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stitution proclamée à Palerme n’a pas tardé en effet à l’être à Naples, de là en Piémont, à Florence et à Rome. D’un autre côté, l’indépendance de l’île une fois décrétée, on a vu la nation sicilienne, avec un instinct véritablement politique, chercher à renouer, au profit d’une autre puissance italienne, le lien de nationalité qu’elle venait de rompre avec Naples, sentant bien qu’il y avait péril pour elle à rester dans l’isolement, et qu’elle devait obéir à la loi d’agrégation qui rapproche de plus en plus les fractions long-temps séparées de l’Italie.

L’unité de l’Italie, telle que la rêvent les républicains de l’école de M. Mazzini, nous a toujours semblé un projet irréalisable ; mais nous croyons fort à la possibilité, bien plus, à la nécessité d’une fédération qui conciliera à la fois les invincibles habitudes et les répugnances que plusieurs siècles n’ont pu effacer avec les besoins bien sentis de la civilisation moderne. Ce projet, que poursuivent tous les bons esprits en Italie, c’est le but que les divers peuples italiens doivent se proposer constamment, c’est, si nous pouvons nous exprimer ainsi, le phare qu’ils ne doivent jamais perdre de vue dans leurs efforts et dans leurs luttes pour l’indépendance et pour la liberté. Tout ce qui les en détournerait les conduirait à l’absorption de leur nationalité et à la ruine de leurs droits politiques ; c’est en resserrant entre eux cette solidarité protectrice qu’ils pourront résister aux empiétemens du dehors comme à la tyrannie du dedans. Tel est le point de vue duquel il ne faut pas se départir dans l’appréciation des affaires de Sicile.

La Sicile, traitée en pays de conquête par les Napolitains, a de tout temps, et à juste titre, revendiqué sur ses maîtres une supériorité intellectuelle et morale que ceux-ci voudraient en vain lui disputer. Tandis que Naples s’endormait dans une molle insouciance, la culture de l’esprit et les mœurs politiques se conservaient dans l’île, et la lutte indomptable que ses habitans ont soutenue pour leurs franchises contre les dynasties qui se sont succédé chez eux témoigne que le courage ne s’est, à aucune époque, éteint dans ces ames viriles. Ce sera une longue et brillante histoire à raconter un jour que celle de l’esprit public en Sicile. On y verra avec étonnement l’exercice des prérogatives constitutionnelles établi plusieurs siècles avant que l’Angleterre et la France les eussent formulées, et il ne sera pas sans intérêt de remonter jusqu’aux institutions du grand comte Roger pour retrouver dans le parlement à trois bras l’organisation d’une représentation nationale permanente servant de contre-poids à l’autorité des souverains. Depuis trente-cinq ans, c’est à la charte de 1812 que la Sicile a constamment rattaché ses traditions et ses prétentions politiques. C’est au nom de ce pacte, rompu presque aussitôt par la cour de Naples, qu’elle s’est révoltée en 1847 comme en 1820 et en 1836. La charte de 1812 maintenait l’union entre Naples et la Sicile ; dans l’ivresse de la victoire, cette union a été rompue, et la Sicile s’est déclarée indépendante. Les Siciliens ont montré en cette occasion une résolution et une intrépidité qui leur ont valu les sympathies de toute l’Europe ; toutefois nul ne s’est dissimulé que la question ne pouvait être entièrement vidée entre les deux pays par ce seul fait. Le roi de Naples s’est toujours naturellement considéré comme le souverain légitime de la Sicile, et n’a pas un seul instant renoncé à ressaisir cette portion de ses états. On devait s’attendre à ce qu’il tenterait pour cela plus d’un effort encore, et ne terminerait pas de si tôt la lutte.

Cette lutte vient de recommencer avec un acharnement sans exemple. La