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REVUE. — CHRONIQUE.

Naples qu’il leur faut s’entendre. Dans cette hypothèse, à laquelle conduit forcément l’examen impartial des faits, plus d’un moyen est présenté : on a parlé de constituer la Sicile en royaume séparé, sous le sceptre du second fils du roi. Cette concession à la dynastie, qui laisserait subsister pour les deux pays tous les inconvéniens de la séparation, a été déclarée inacceptable par le roi de Naples, et, à vrai dire, il est difficile de comprendre comment les Siciliens, avec la haine furieuse qu’ils disent avoir vouée au père, pourraient s’accommoder du fils. Le mieux est peut-être de ne pas trop s’arrêter à l’expression exagérée de ces sentimens extrêmes, qui donnent souvent le change sur les dispositions réelles des Italiens du midi comme de ceux du nord. Puisque l’indépendance absolue de la Sicile est, de l’aveu de tout le monde, une dangereuse chimère, qu’on recherche les moyens d’abriter sous la couronne de Naples les libertés et l’existence politique que les Siciliens ont conquises par trop d’efforts héroïques pour qu’on puisse les leur contester désormais. La constitution de 1812 offre assez de garanties pour assurer la sécurité des Siciliens, surtout si la loyale observation de ce pacte est placée sous la sauvegarde des puissances médiatrices. En négociant sur cette base, la France maintiendrait le principe si important de l’union italienne, et rendrait aux Siciliens un service que ceux-ci reconnaîtraient, à coup sûr, plus tard.

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SITUATION DE L’EXTRÊME ORIENT.


Absorbée par les grands intérêts qui se débattent en Europe, l’attention générale n’est guère attirée vers les questions qui ne se rattachent pas immédiatement à la discussion de ces intérêts. Nous croyons cependant que, pour se faire une idée exacte et complète des tendances du monde civilisé à l’époque critique où nous vivons, il importe de ne pas négliger l’étude des faits, secondaires en apparence, qui marquent les progrès ou la décadence des peuples les plus éloignés. Dans l’extrême Orient, par exemple, la marche des événemens doit être suivie d’un œil attentif : en donner de temps à autre de rapides aperçus, ce serait remplir, nous le croyons, une tâche utile et trop négligée par notre pays. Depuis quelques mois, en effet, il s’est accompli dans l’Inde anglaise, en Chine et dans l’archipel oriental, des changemens et des progrès auxquels l’Europe ne saurait rester indifférente.

L’empire hindo-britannique, composé d’élémens si divers qu’il semble porter en lui-même le germe d’une destruction prochaine, se consolide de plus en plus, grace à l’application persévérante et judicieuse des principes d’un gouvernement mixte qui s’inspire à la fois du génie européen et des tendances naturelles des peuples soumis à son action. Dans sa marche vers ce grand but de consolidation et d’unité administrative, le gouvernement anglais a rencontré et rencontre journellement des obstacles partiels qui nécessitent l’emploi de la force. Nous croyons cet emploi légitime, non-seulement au point de vue politique, mais encore au point de vue moral : les populations de l’Hindoustan ne peuvent que gagner à échanger contre le régime libéral que leur impose graduellement l’Angleterre le régime