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d’une instruction extrêmement étendue, et qui, avec une manière large et grande de voir les choses, a beaucoup de sensibilité et de charme. La princesse Charlotte est peut-être moins distinguée sous le rapport des connaissances ; mais, si ses raisonnemens n’ont pas un caractère aussi prononcé, ils ont ordinairement plus de naturel, d’autant qu’ils viennent d’un cœur droit, ami de la franchise et de la vérité. Il n’y a qu’une chose sur laquelle nous soyons toujours en discussion c’est la religion. Malheureusement ces dames n’ont pas une foi bien solide, et elles sont persuadées que les têtes fortes n’ont pas besoin des consolations de la religion. Cet esprit est généralement dans la famille, et il n’est pas extraordinaire que les personnes qui n’ont jamais entendu parler que d’une manière dérisoire du christianisme, comme de toutes les autres croyances, aient une espèce d’éloignement pour tout ce qui est mystique[1].

« Pardon, cher ami, de vous parler si longuement de personnes qui ne vous sont point connues ; mais l’intérêt qu’elles mettent à ce qui vous concerne m’a fait croire que ce que je vous dis d’elles ne vous paraîtra pas trop long. C’est d’ailleurs vous faire connaître en quoi consistent mes distractions et mes plaisirs… »

Plus tard, en 1833, il disait encore : « Je vous remercie, cher ami, d’avoir remis à M. Thiers une épreuve de la gravure des Moissonneurs par Mercuri. Si j’avais l’honneur d’être connu de M. Guizot, je lui aurais fait hommage d’un exemplaire, car il sent les arts, et j’ai vu de lui un petit livre fort bien touché sur un salon de l’empire, quand il n’avait que vingt ans. Je crois vous avoir déjà prié d’envoyer quatre épreuves à Mme Juliette Clary, qui se charge d’en faire la distribution à des personnes qui me veulent du bien. A propos de cette dame, je vous rappellerai que c’est une personne à laquelle je suis bien attaché. Elle a les qualités les plus grandes ; on peut dire que c’est une femme forte par sa raison, ses principes, et extrêmement intéressante par son excellent cœur. Je m’estimerai toujours heureux d’avoir des rapports avec elle. »

A peine est-il de retour à Florence, qu’une inquiétude secrète le poursuit. « Quels délicieux momens vous me faites passer, très cher et excellent ami ! Chaque lettre de vous m’inspire des sentimens plus vifs, et, quand je crois que mon cœur est plein de votre affection, les nouvelles

  1. « Quand Léopold revint de Terni, où il avait vu mon pauvre Napoléon, dit la princesse Charlotte après la mort de Robert, il m’en rapporta des nouvelles, et nos conversations nous reportèrent souvent, depuis, à ce moment où il l’avait vu pour la dernière fois. Que de sujets sérieux n’avons-nous pas traités ensuite ! et combien ses sentimens étaient religieux ! Que de fois je lui ai envié cette croyance inébranlable qu’il cherchait à m’inspirer ! S’il y a réellement une autre existence, elle doit être bienheureuse pour lui, qui était si bon, et dont les sentimens étaient si élevés et si beaux. » (Lettre de la princesse à Aurèle, en date de Rome, 19 avril 1835.)