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C’est une Judith coupant la tête à Holopherne, ou plutôt s’y préparant. Elle a déjà le coutelas en main, et se retrousse la manche, — motif, par parenthèse, trivial et bas, et qui ne donne l’idée que d’une femme bourreau. Il se faisait ensuite un jeu de sa facilité. On allait le voir un jour ; en votre présence, il disait : — Tiens, ce bras est mauvais, cette jambe est de travers ; — crac ! il barbouillait pour les changer et faire admirer sa facilité extraordinaire ; mais ces ficelles ne jettent pas de la poudre aux yeux ici… Il a fait plusieurs études de têtes qui sont véritablement bien. Ce n’est pas fort comme le seraient celles d’un homme plus solide, mais, en somme, elles sont bien, sans qu’il y ait à crier miracle. »

Une société des amis des arts vient de se former à Rome (mars 1830), et sa première exposition a lieu, dans ce moment, au Capitole… Il y a plusieurs années que différens artistes allemands et italiens avaient conçu ce projet. M. Guérin, auquel on en avait parlé d’abord, n’avait pas pensé que ce fût avantageux pour les arts. Il croyait, au contraire, que cela serait de nature à engager beaucoup de jeunes gens à les embrasser sans vocation, dans l’espoir de vendre facilement leurs travaux après quelques années. M. Guérin trouvait d’ailleurs la France désintéressée dans cette institution, qui n’avait pour objet réel que d’aider une foule d’artistes du Nord tombés à Rome sans ressources et y végétant dans le besoin, tandis que les Français ne sont point dans ce cas, et qu’ils ne viennent à Rome que pour acquérir du talent et non pour chercher à y vivre. Si Horace Vernet n’a pas envisagé la question au même point de vue, c’est qu’il n’a considéré qu’une chose l’honneur de la nation, et, en cela comme toujours, il a prouvé assez de tact, car bien certainement, si aucun Français n’eût exposé, on ne dirait pas, comme chacun le fait généralement, que cette école est de beaucoup supérieure e aux autres.

« Horace y a sa Judith, qui, à mon sentiment comme à celui de beaucoup d’artistes et d’amateurs, n’est pas exempte de défauts graves et ne donne pas une idée juste du sujet ; mais, comme ce tableau est exécuté avec l’adresse qu’on lui connaît, et que de plus on ne lui fait pas le reproche, comme à son Pape, d’être de la peinture de décoration, en somme il plaît assez

« Les deux derniers tableaux de Schnetz se distinguent d’une manière brillante. Orsel a une grande peinture qui lui fait honneur. Roger en a une aussi dans son genre qui plaît beaucoup. J’ai à l’exposition un tableau fini depuis peu et destiné ; une quinzaine de personnes m’ont déjà fait des offres, et parmi elles se trouvent plusieurs Italiens et même des Romains, chose étonnante, car, depuis que je fais des tableaux, aucun Romain, pour ainsi dire, n’a visité mon atelier. Ils ne vont pas plus chez les autres ; sinon chez leurs peintres ; mais, comme ils