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ont du jugement et que les peintures de leurs compatriotes leur donnent peu d’envie de décorer leurs appartemens, ils ne font aucune acquisition. L’exposition est bien curieuse sous ce rapport : on y voit à côté les unes des autres les différentes écoles. L’allemande a des vices très grands, mais elle a des qualités majeures, si l’on veut être juste, et l’école anglaise, sous le rapport de la couleur et d’une certaine naïveté d’expression, est à voir, mais pas l’ombre de goût un peu élevé.

« L’exécution française ne plaît pas tout-à-fait aux Anglais et aux Allemands. Les premiers recherchent un choix de couleur et une manière de peindre totalement opposés à nos méthodes. Les autres n’aiment pas la touche et la peinture qui n’est pas faite avec des glacis, des frottis de brosse à crever l’œil d’une mouche, comme disait M. David. Pour eux, l’exécution française est trop matérielle.

« L’école italienne est d’une faiblesse, d’une misère désolante ; il n’y a rien, mais rien qu’on puisse remarquer avec plaisir : on dirait de la peinture d’ennuyés. »

« … J’avais entendu rapporter par quelques amateurs et artistes (écrivait plus tard Robert à M. Marcotte) que les meilleurs tableaux des expositions italiennes étaient des compositions historiques : je n’y ai vu qu’une affectation de noblesse sans vérité et un mérite très commun, sans parler de la faiblesse de l’exécution ; mais tout ce qui se dit amateur en Italie ne sort pas, en fait d’art, de cette catégorie de sujets, et n’accorde son approbation, qu’aux artistes qui traitent ce qu’ils appellent « le genre noble. » Quand cette noblesse n’est pas accompagnée de vérité, ce n’est plus qu’une singerie qui ne peut plaire aux véritables connaisseurs. A une exposition, j’ai vu la foule se porter à un tableau très simple, qui, je le crois, n’eût pas eu grand succès à Paris, étant dépourvu de qualités essentielles, mais où j’ai trouvé un grand sentiment de vérité et beaucoup de finesse d’expression. Cette observation m’a prouvé combien la foule est plus éloignée de partialité et d’erreur que certaines personnes qui font profession de s’y connaître, parce qu’elle se laisse toujours conduire par le sentiment, et que le sentiment veut avant tout la vérité.

« Il faut avouer que tout a bien changé à l’égard des arts. Toutes les années, les artistes de chaque nation augmentent à Rome, et les amateurs, qui viennent en infiniment plus petit nombre à présent, apportent des idées de patriotisme qui les empêchent en grande partie de visiter même les ateliers des artistes en réputation qui ne sont pas leurs compatriotes. C’est fini, on fait beaucoup trop de tableaux, et les artistes qui commencent sont bien à plaindre. A mon arrivée à Rome, il n’y avait aucun Anglais qui y exerçât les arts ; actuellement il y en a un grand nombre, dont quelques-uns ont un talent réel, de celui-là