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aussi bien démêlé avant lui, ce sont les incidens et les vicissitudes de cette grande entreprise de la conversion des protestans dans laquelle on s’était lancé un peu légèrement, qui sembla d’abord s’opérer comme d’elle-même, et qui devint en avançant beaucoup plus difficile qu’on ne l’avait jugé d’abord. Une fois engagé, on ne savait plus comment faire pour avancer ni pour reculer. On voulait effrayer par la rigueur, et on donnait tout bas des contre-ordres pour adoucir les mesures sévères. On n’avait pas cru avoir besoin de persécutions ; mais on fut amené à persécuter et à opprimer, parce qu’on n’avait pas tenu assez compte de l’énergie de la croyance et des résistances de la foi. C’est là, je l’avoue, ce qui me révolte le plus dans les mesures qui suivirent la révocation de l’édit de Nantes ; elles ont quelque chose d’embarrassé, de gauche et de perfide, qui contraste singulièrement avec la prétention constante et si souvent fondée de Louis XIV à la grandeur. Il est misérable de chercher à changer la religion de ses sujets en récompensant l’apostasie par la faveur, en fermant toutes les carrières aux convictions inflexibles, en obtenant des conversions par des logemens militaires, en faisant écrire par Louvois à M. de Marillac, intendant en Poitou : « Sa majesté désire que vos ordres sur ce sujet (les logemens) soient par vous, ou par vos subdélégués, donnés de bouche aux maires et échevins des lieux, sans leur faire connaître que sa majesté désire par là violenter les huguenots à se convertir. » Ces vexations timides, ces violences qui n’osent s’avouer, les subtilités employées pour établir que les enfans de sept ans sont juges de la religion qu’ils doivent embrasser et par lesquelles on les enlève à leurs parens, toutes ces choses forment un ensemble de moyens honteux mis au service d’une cause qu’on pouvait croire bonne, mais qu’en aucun cas on ne pouvait défendre ainsi. C’est un système de duplicité et de corruption dont on semble rougir en l’employant, et auquel on s’est condamné, parce qu’on s’est écarté de la voie droite, du respect de la liberté de conscience, hors de laquelle il n’y a point de salut.

C’est là ce qui ressort du récit de M. de Noailles ; il le fait dire encore plus qu’il ne le dit lui-même. Le but de son récit a été de mettre tous les faits en lumière, et ce but, il l’a atteint complètement. Par momens, l’impartialité de l’historien peut sembler trop calme en présence des iniquités qu’il raconte. On ne peut du moins jamais lui reprocher de les approuver, et on doit reconnaître qu’il conclut à une condamnation expresse. Après avoir établi, par un tableau frappant de la législation anglaise en matière de croyance, que le protestantisme, au XVIIe siècle, n’était pas moins intolérant que le catholicisme ; après avoir dit : « Que doit-on conclure de ces faits ? Que tel était l’esprit général du siècle, et qu’il ne faut pas envisager ces questions, comme il arrive souvent, au seul point de vue de la religion et du despotisme,