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cela même l’artiste, dégagé de la préoccupation, toujours pénible pour lui, de l’ordonnance d’une composition, avait pu se livrer en toute liberté à l’entrain de son pinceau, il eut toujours, pour le dire en passant, une délicatesse extrême et une prédilection marquée pour les études de femme. On le voit par une de ses lettres à M. Marcotte.

« … Je trouve une bien grande différence entre exécuter des figures d’hommes ou des figures de femmes. La raison en est simple : ce qui frappe et touche dans la peinture est un caractère d’énergie, de force dans les hommes ; de sensibilité, de douceur dans les femmes. La nature est moins avare de ces dernières qualités que des premières, à mes yeux du moins. Trouver dans un homme avili ce qui est propre à frapper, attirer et plaire, est un travail qui, je vous assure, donne bien plus de peine que de chercher quelque chose de touchant et de sensible dans une femme. C’est ce qui fait que généralement même les plus habiles peintres y ont mieux réussi. Il n’y a que les ouvrages de Michel-Ange qui se distinguent d’une manière particulière ; mais son génie était si supérieur, qu’il a presque inventé la représentation d’une force, d’un caractère et d’une énergie qu’il n’a pu trouver dans la nature qu’avec de grandes difficultés et une observation continuelle. Voilà pourquoi, à mon sens, il doit être placé tout-à-fait au premier rang. »

Fidèle à ce penchant d’artiste, à sa nature sensible, qui ne s’attachait pas seulement, comme le font un si grand nombre d’artistes modernes, à la beauté extérieure et matérielle de la femme, mais à sa beauté morale, Robert a immortalisé sur la toile nombre de ces types nobles et expressifs que l’Italie a le privilège de conserver dans leur pureté. Déjà il s’était plu à peindre, pour M. d’Argenteuil, deux belles études de femme, de demi-nature, et il donne sur l’une d’elles une particularité assez curieuse dans une lettre datée de Rome, 4 juin 1826.

« J’ai accompagné les deux petits tableaux que je vous envoie d’une étude de tête d’une jeune femme de Sora, qui est fort jolie, mais qui offre un caractère de beauté bien différent de celui qu’on se représente d’ordinaire comme celui de l’Italie, et par conséquent tout-à-fait opposé à celui qui m’a frappé dans la jeune fille qui a posé pour le tableau de l’Ermite. J’ai pensé que ce contraste vous intéresserait, puisqu’il se trouve dans la nature, et qu’il y a, dans les montagnes, des villages dont la population presque entière se distingue par ce type si particulier… Nous voyons tous les jours le caractère italien sans mélange disparaître de Rome ; mais si les cheveux, d’un brun extrêmement clair, des habitans que je viens de vous signaler les rapprochent beaucoup des septentrionaux, je trouve qu’ils n’ont pas moins un caractère italien, lequel se remarque dans leurs expressions vives et variées, et surtout encore dans la finesse et la régularité des traits… »

Un passage de sa correspondance avec Victor Schnetz garde le souvenir