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et l’auteur le frappe à propos. En aucun temps, on n’y pouvait moins tenir.

Si nous en croyons les revues anglaises, Mildred Vernon ne serait qu’un essai sur l’opinion publique, et M. Hamilton Murray, tenté par le succès, voudrait entrer, par cette porte, dans une voie nouvelle du roman. Cette voie ne peut pas conduire très loin. Ce qui, par instans, fait le charme de ce livre est ce qui a le moins préoccupé l’auteur. Ses fantaisies, ses allusions, ses portraits, occupent le premier plan ; la fable elle-même n’est qu’accessoire. Ce genre de composition ne se répète pas, et les bibliothèques ne se rempliront jamais de biographies déguisées. Un second livre signé du même nom n’aurait donc pas l’attrait curieux que nous venons de peindre, à moins cependant que M. Hamilton Murray, après avoir choisi les derniers jours de la monarchie, ne s’avisât de prendre pour sujet les premiers jours de la république. Il ne courrait pas le risque des exagérations.

A. R.




ANNALS OF THE ARTISTS IN SPAIN,
by W. Stirling. — Londres, John Ollivier, 1838, 3 vol. in-8o.

Remarquons d’abord la belle exécution de ces trois volumes. Pages encadrées, rubriques, portraits gravés sur acier, magnifique impression, rien n’y manque. Ce n’est plus qu’en Angleterre que se publient des livres à l’usage des artistes avec ce luxe et cette recherche d’élégance. Aussi bien, si cela continue, c’est bientôt en Angleterre qu’on ira pour cultiver les arts et pour étudier les tableaux des grands maîtres. Chaque révolution amène du continent en Angleterre de nouveaux émigrés toujours accueillis avec empressement. Nous voulons parler des Raphaël, des Rubens, des Murillo. Depuis un demi-siècle que l’Europe change et rechange ses constitutions, combien de chefs-d’œuvre sont allés enrichir les collections plus ou moins inabordables des happy few, lords ou nababs de la Grande-Bretagne ! Il y a des gens qui s’effraient quand des économistes leur démontrent comme quoi l’or et l’argent de la vieille Europe vont s’enfouir en Asie pour ma part, je suis bien plus ému de voir les plus beaux ouvrages de tous les pays prendre le chemin de cette île de brouillards où les Titien deviennent ternes, et où les marbres de Paros prennent la teinte des murailles de cave. Mais qu’y faire ?

Si les Anglais accaparent les chefs-d’œuvre, il faut leur savoir gré lorsqu’ils veulent bien en faire part à l’Europe pauvre et trop occupée de son salut pour leur faire concurrence. Rendons grace à M. Stirling d’avoir mis tant de soins à nous faire connaître une école long-temps ignorée, et dont peu de maîtres, encore aujourd’hui, ont une réputation de ce côté des Pyrénées. L’ouvrage de M. Stirling est, je pense, le plus complet qui existe sur la peinture espagnole ; je dis la peinture, car, sur la foi d’un titre un peu ambitieux, il ne faut pas croire que l’auteur ait écrit l’histoire des beaux-arts en Espagne. La sculpture, toujours