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chance de se solder par des déficits plus considérables encore. Économisons donc de notre mieux, et M. Bineau ne s’y épargne pas, mais en pure perte. C’est à peine s’il peut rogner à tout hasard sur le budget de la monarchie. Les républicains de l’ancienne opposition et de la nouvelle dynastie avaient beau déclamer contre les prodigalités et les gros traitemens ; évidemment il n’y avait d’économie réelle à faire que sur l’argent que nous a coûté la république.

Ainsi, aurait-on été bien avancé de fixer à 1,600 fr. au lieu de 1,800 le traitement des juges de paix ? Le comité des finances, qui avait conseillé ce grand coup, n’a pas même pu le soutenir, et s’est tenu pour content d’avoir grapillé sur les appointemens des sommités judiciaires ; conseillers, juges et juges de paix échappent forcément aux rigueurs du comité. On avait cru qu’on gagnerait plus de 3 millions sur le budget de la justice ; on y trouve environ 100,000 fr. à retrancher. C’était bien la peine de tant s’agiter ! On n’a pas été plus heureux sur le ministère des affaires étrangères. Nous n’avons pas trop de consulats, et nos ambassadeurs ont assez de mal à faire bonne figure au dehors, sans ajouter encore à leurs embarras en leur retranchant les vivres. (À propos d’ambassadeurs, voici M. Emmanuel Arago décoré de l’Aigle-Noire, qu’il a bien voulu accepter de la royale main du tyran berlinois : qu’est-ce que dira la Montagne ? et comme on va rougir aux postes !) Fermons la parenthèse et passons au ministère de l’instruction publique, où nous rencontrons aussi la trace des hommes de février. M. Jean Reynaud l’apôtre expose à la chambre qu’il a fait merveille en mutilant le Collège de France, et qu’il n’y a de cours républicains que ceux dont on ne paie point les professeurs. M. Barthélemy Saint-Hilaire, qui est un républicain de bon sens, quoique d’ancienne date, en appelle à son ami M. Garnier-Pagès, son collègue in partibus dans le haut enseignement, pour prouver que les professeurs qu’on ne paie pas ne font point de cours. M. Léon Faucher, qu’on est toujours sûr de rencontrer quand il s’agit d’initiative, demande à l’assemblée de rétablir au budget les fonds des chaires supprimées. Il a gagné son procès ; nous l’en félicitons pour lui et nous l’en remercions pour nos amis, qui n’attendront, sans doute, pas beaucoup une juste réparation. Il est grand temps que la saine économie politique recouvre sa tribune, quand, de toutes parts, la fausse en élève d’autres. La meilleure récompense qu’on puisse donner à M. Michel Chevalier pour avoir déjà combattu celle-là, c’est de le mettre à même de la combattre encore.

Pendant que l’assemblée travaille ainsi de son mieux à défendre ou à organiser le bon ordre des pouvoirs, les partis extrêmes continuent sans trop se gêner leurs prédications révolutionnaires. Le déclamatoire et le grotesque y tiennent vraiment beaucoup de place, mais ce n’est pas une raison pour que de pareils discours n’aient pas leurs dangers vis-à-vis du peuple, et on ne saurait exprimer assez de répulsion contre ceux qui du haut de la tribune parlementaire semblent prendre plaisir à donner le signal de ces débordemens de langue et de fiel. Nous n’hésitons point à dire que la harangue prononcée par M. Pyat sous prétexte de ramener le droit au travail dans la révision de la constitution, que cette harangue froidement écrite, non point pour l’assemblée, mais pour le dehors, est un acte en soi mauvais et coupable. Il existe au sein de l’assemblée actuelle un élément qui, nous l’espérons bien, disparaîtra des suivantes : c’est l’élément issu de la société des gens de lettres, que nous ne croyons pas, pour