de l’Autriche uniquement par haine de la France. Elles avaient été faites aux représentans de tous les souverains de l’Europe, et inscrites, après de mûres délibérations, dans des traités solennels. Cependant le peuple vénitien avait ignoré long-temps quel était le vrai caractère, quelle était la portée de ces promesses. La politique autrichienne n’avait rien négligé pour persuader aux Lombards-Vénitiens que les droits de l’empire sur leur royaume avaient leur source et leur sanction dans la conquête. Elle présentait la domination française comme un accident, comme une tempête passagère après laquelle tout était rentré dans l’état normal. A l’entendre, les provinces lombardes et vénitiennes appartenaient de temps immémorial à la dynastie de Hapsbourg. Il importait donc beaucoup à l’Autriche qu’on ne divulguât point l’histoire des stipulations passées entre elle et les envoyés des Lombards-Vénitiens devant les représentans des puissances alliées. L’existence seule de ces stipulations suffisait en effet à ruiner toutes les prétentions de l’Autriche. Pourquoi faire et accorder des conditions, quand on a pour soi des droits imprescriptibles ? pourquoi acheter par des concessions ce qu’on possède déjà ? — Apprendre aux Vénitiens que la cause de leur indépendance était aussi celle du droit, c’était ébranler profondément la puissance autrichienne, car c’était lui enlever, aux yeux des plus timorés, son dernier prestige. Lorsque les populations apprirent que la cession du royaume lombard-vénitien à l’Autriche n’avait été faite que sous de certaines conditions que l’Autriche n’avait jamais remplies, il s’ouvrit devant elles comme un nouvel horizon, et ceux qui s’étaient crus long-temps condamnés à l’esclavage par une loi mystérieuse se sentirent tout d’un coup élevés au même rang que leurs maîtres.
L’influence de ces discussions brûlantes sur l’esprit des populations de la Vénétie se révéla bientôt par un fait significatif. Une circonstance peu importante en elle-même mit en présence les habitans de Trévise et la force armée. L’état des esprits était tel qu’une démonstration hostile devait entraîner nécessairement l’effusion du sang. Le peuple et les soldats se regardèrent, et cela suffit. On croisa les baïonnettes, des pierres furent lancées ; plusieurs coups partirent, quelques citoyens tombèrent, mais quelques soldats tombèrent aussi, et la lutte dura jusqu’au soir. A peine la nouvelle de ce déplorable conflit se fut-elle répandue, que M. Tommaseo adressa à tous les évêques des états vénitiens une circulaire, qui les invitait à intervenir entre le pouvoir et les populations. La circulaire n’avait pas encore été distribuée, que M. Tommaseo et M. Manin étaient arrêtés et conduits en prison. Ce fut le 20 janvier 1848 que s’accomplit cet acte arbitraire, protégé par un déploiement de forces considérable. Deux mois plus tard, Venise se soulevait contre l’Autriche. Ces deux mois avaient été employés par