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de la maison de Savoie sont plus grands que nous ne le savons, si elle se voit forcée à accomplir de douloureux sacrifices, elle-même nous saura gré de ne pas lui laisser consommer notre ruine. Conservons-nous à ce prince qui ne nous céderait pas à l’ennemi sans d’amers regrets. Plus tard et lorsque le soleil du succès brillera de nouveau sur le royaume de la Haute-Italie, Venise assemblera encore une fois les députés, et disposera d’autant mieux de sa souveraineté qu’elle l’aura mieux défendue contre les barbares. C’est la guerre qu’il nous faut ; c’est à la paix que la partie occidentale de l’Italie du nord aspire en ce moment. Nous devons donc nous séparer pour le moment, de peur de nous nuire réciproquement par nos tendances opposées. »

Le discours de M. Manin obtint l’approbation de l’assemblée, qui nomma un gouvernement provisoire composé de trois membres, dont M. Manin était le président ; M. Graziani et M. Cavedalis complétaient ce triumvirat. Le nouveau gouvernement se hâta de vider la question soulevée par l’armistice conclu avec l’Autriche. Interpellé par le chef de la marine vénitienne au sujet de la partie de ses instructions qui pouvait intéresser la Vénétie, l’amiral piémontais Albini déclara, sur son honneur, n’avoir reçu aucun ordre nouveau relativement à la flotte qu’il commandait. Les officiers commandant les deux mille hommes de troupes piémontaises affirmèrent aussi qu’aucune instruction nouvelle ne leur était parvenue. Venise n’avait donc point été comprise dans l’armistice. Aucune question ne s’agitait plus entre elle et le gouvernement piémontais. Celui-ci s’était même remboursé des 800,000 francs prêtés à Venise par la saisie opérée à Gênes d’un convoi de fusils venant de Paris et destinés à la Vénétie. Il est juste de reconnaître que le séquestre mis sur ces fusils fut levé au bout d’un mois.

Presque aussitôt après l’installation du nouveau gouvernement vénitien, M. Tommaseo partait pour Paris, chargé par la république d’implorer le secours de la France. Venise prenait vis-à-vis d’elle-même, de la patrie italienne et de l’ennemi, l’engagement de persévérer jusqu’à la fin dans sa noble résistance.

Près de quatre mois se sont écoulés depuis que Venise, la seule ennemie que l’Autriche n’ait pas comprise dans l’armistice, a été abandonnée à elle-même. Pendant ces quatre mois, l’espoir prochain d’une intervention française s’est évanoui, la flotte et la garnison sardes ont été retirées conformément aux conditions de l’armistice, le blocus a enfermé la malheureuse et forte ville dans un cercle étroit ; l’escadre française est venue rompre cette chaîne, puis elle s’est retirée, et la flotte autrichienne a reparu ; enfin, la flotte sarde, toujours commandée par l’amiral Albini, a paru une seconde fois devant Venise, et les bâtimens autrichiens sont rentrés à Trieste. Les volontaires de toutes les parties de l’Italie, que la suspension d’armes fatigue et indigne, se sont