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encore qu’il fallût se hâter de l’abandonner : nous n’étions pas obligés de nous rendre si tôt. Il y avait dans l’histoire des exemples récens qui nous traçaient l’attitude que nous avions à prendre.

En 1825, l’Angleterre libérale avait, seule aussi, contre l’Europe entière, désapprouvé le projet d’une expédition en Espagne. Le congrès de Vérone avait été pour elle ce que la conférence de Londres fut pour nous en 1840. Tant qu’elle put, elle avait tenu bon pour protéger les cortès espagnoles. L’intervention résolue, elle avait déclaré que la mesure lui déplaisait, parce qu’elle contrariait ses intérêts et blessait ses sympathies ; qu’elle ne se tenait pas cependant pour offensée à ce point qu’elle voulût recourir à la guerre. Si, à leurs risques et périls, les puissances voulaient tenter l’aventure, elle n’y mettrait point obstacle ; toutefois elle croyait devoir leur déclarer à l’avance que, dans aucun cas et à aucun prix, elle ne souffrirait que cette intervention s’étendît au Portugal. Le Portugal était avec elle dans de telles relations d’intérêts et d’intimité, que la moindre tentative des puissances pour se mêler, par la voie des armes, des affaires du Portugal, entraînerait immédiatement de sa part une déclaration de guerre. L’expédition d’Espagne eut lieu ; les armées des cortès résistèrent aussi peu que les troupes du vice-roi d’Égypte. L’Angleterre, qui avait souhaité un autre résultat, assista, mécontente, mais paisible, au triomphe des autres cours ; le Portugal qu’elle avait garanti avait été respecté. Elle prit son parti et attendit patiemment une occasion naturelle pour de justes représailles.

En 1840, nous n’avions pas non plus épousé exclusivement, quoi qu’on eût dit, les intérêts du vice-roi d’Égypte. Le cabinet du 1er mars s’était borné à dire : « A nos yeux, l’intérêt de l’intégrité de l’empire ottoman ne commande pas d’avoir raison, sur l’heure et à tout prix, de l’ambition du pacha. En outre, les moyens que vous vous proposez d’employer nous paraissent inefficaces ou dangereux : ils seront inefficaces, si vous vous contentez de bombarder les côtes de la Syrie, car les soldats égyptiens, en vous abandonnant quelques masures, pourront se retirer dans l’intérieur ; ils seront dangereux, si vous voulez agir dans l’intérieur des terres ; là, vos matelots ne pourront suffire. Débarquerez-vous des troupes de terre ? La présence de troupes anglaises, autrichiennes ou russes porterait à l’autorité du sultan, et par suite à l’intégrité de l’empire ottoman, un coup bien plus funeste que le spectacle si commun en Orient d’un pacha insoumis, momentanément vainqueur de son souverain. Inefficaces ou dangereuses, vos mesures ne sont pas de celles auxquelles nous voulions nous associer. Agissez, si vous voulez, en Syrie, à vos risques et périls : nous ne l’approuverons pas, nous ne nous y opposerons pas ; mais à côté de la Syrie il y a l’Égypte : nos relations avec l’Égypte sont de telle nature, que, si le