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pacha d’Égypte était menacé dans son établissement égyptien, nous ne pourrions, nous ne voudrions pas le souffrir. Une attaque contre l’autorité de Méhémet-Ali, telle qu’elle est aujourd’hui constituée en Égypte, amènerait de notre part une déclaration de guerre. Nous livrons la Syrie à vos tentatives d’intervention ; nous vous interdisons de toucher à l’Égypte. » Ce langage, souvent tenu à Londres, à Paris, à Constantinople, avant le traité du 15 juillet, nombre de fois répété depuis la signature de la convention, le gouvernement français le consigna officiellement dans la note du 8 octobre. Ce dernier acte diplomatique du ministère du 1er mars eut le tort de venir trop tard. Le public n’en saisit point la portée. Il crut y voir une sorte d’adhésion aux mesures coërcitives déjà adoptées par les puissances étrangères, et comme une désertion anticipée des intérêts du vice-roi. C’était précisément le contraire. Ce document, plein de raison et de fermeté, de tout point conforme à la ligne de conduite officiellement suivie par les ministres du 1er mars, contrastait trop avec les intentions guerroyantes que, sur la foi des journaux et de quelques officieux et dangereux amis, le public leur avait gratuitement prêtées. La prise ultérieure de Saint-Jean-d’Acre et l’acte de complète soumission que le pacha éperdu s’empressa de souscrire achevèrent d’ailleurs d’ôter à la note du 8 octobre sa véritable signification.

Il y a encore aujourd’hui un certain intérêt historique et presque de la justice à expliquer sur quelles prévisions raisonnables, quoique démenties par les événemens, reposait la politique de la note du 8 octobre. En butte à d’injustes attaques, le président du 1er mars a trouvé convenable de les braver plutôt que de les démentir. Il s’est volontairement laissé constituer l’éditeur responsable de certains plans de campagne aventureux auxquels nous sommes persuadé qu’il n’avait jamais sérieusement songé. Voici, si nous sommes bien informé, quelles idées déterminèrent en cette occasion la politique de l’homme qui, en 1840, a pu se tromper, comme tous les habiles de son temps, mais qui eût cessé d’être lui-même, s’il eût un instant cédé à des inspirations que son rare et lumineux bon sens n’eût point avouées.

En formant la résolution d’agir contre le pacha par la force des armes, les puissances étrangères avaient pris à leur compte toutes les difficultés de l’entreprise. Ces difficultés étaient réellement plus grandes qu’elles n’apparurent. L’escadre anglaise avait beau jeu à canonner les rivages de la Syrie, à s’emparer des villes qui, comme Beyrouth et Saint-Jean-d’Acre, étaient exposées aux bordées de leurs vaisseaux. Tout en s’attendant à une plus vigoureuse attitude de la part des troupes égyptiennes, le ministre français n’avait jamais pu espérer qu’elles garderaient long-temps les côtes et les villes du littoral contre les forces d’ennemis supérieurs. Pour elles, le nerf de la défense était ailleurs, il