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et comme un argument de plus en faveur d’une clôture définitive de par la France[1]. »

Cependant la situation pesait de plus en plus sur les plénipotentiaires allemands. Pour la faire cesser, ils se déclarèrent prêts à insérer dans leur protocole que la conférence, malgré les légers embarras qui subsistaient encore, tenait décidément les questions soulevées par le traité du 15 juillet comme bien et dûment terminées, ce traité lui-même comme virtuellement abrogé. Ils chargèrent lord Palmerston de donner verbalement connaissance de cette résolution à l’agent français, afin qu’il en informât officiellement sa cour, et lui demandât les pouvoirs nécessaires pour prendre part aux négociations ultérieures qui s’allaient ouvrir à Londres. De part et d’autre, on croyait enfin toucher au dénoûment. Lord Palmerston semblait acculé au pied du mur. Il ne se rendit pas pour si peu. C’est de ce dernier et bizarre incident qu’il nous reste à rendre compte.

Lord Palmerston avait prié M. de Bourqueney de passer chez lui, et, au nom de la conférence, l’avait engagé à lui faire savoir les intentions ultérieures de son gouvernement. M. de Bourqueney se rendit à cette invitation. Quel ne fut pas son étonnement, quand, au lieu de recevoir du ministre anglais les communications annoncées, il l’entendit entrer dans une distinction subtile entre son opinion personnelle et celle de la conférence, entre les vraisemblances et les possibilités de l’avenir ! Voici les termes de la dépêche du chargé d’affaires de France.


« Londres, 25 mai 1841, n° 16.

« … Je me rappelle les conditions mises par votre gouvernement, a répondu lord Palmerston ; je les approuvais alors, je les approuve encore aujourd’hui. J’ai pu faire à l’empressement de quelques cours alliées le sacrifice de ne pas mettre plus en évidence mon opinion personnelle sur les motifs qui me paraissent militer encore en faveur de l’ajournement de la signature définitive, mais aujourd’hui que je suis chargé de vous demander si vous êtes prêt à signer, vous avez le droit de me poser de nouveau la question que vous me fîtes dès le premier jour : vous avez le droit de me demander si le traité de juillet est, en effet, éteint dans toutes ses conséquences possibles ; et, bien que je le croie éteint en effet, bien que je m’attende de jour en jour à recevoir les nouvelles que les dernières concessions du divan ont été acceptées à Alexandrie, je dois vous déclarer, en homme d’honneur, qu’un refus de Méhémet-Ali me semblerait placer encore les puissances signataires du traité de juillet dans la nécessité de faire quelque chose pour déterminer l’acceptation des conditions raisonnables que leur action à Constantinople a contribué à assurer au pacha. Cela n’arrivera pas, je le crois, j’en ai la conviction ; mais il suffit d’une possibilité pour que je me doive à moi-même de n’engager ni la responsabilité de votre gouvernement vis-à-vis

  1. Lettre particulière de M. de Bourqueney, 7 avril 1841.