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dangereuses, à délivrer notre agriculture des obstacles qui la paralysent.

A toutes les époques de crise, des voix s’élèvent pour demander qu’on augmente les ressources sociales au moyen des défrichemens ; on s’étonne que chaque pays laisse en friches une large portion de son territoire ; on s’exalte en calculant, d’après les livres, les quantités de grains que l’on pourrait récolter, si l’on promenait la charrue à travers ces déserts stériles. Cette illusion des hommes sans pratique fait sourire les agriculteurs de profession ; mais n’est-il pas dans les instincts de ceux-ci d’exagérer les difficultés et de confondre parfois la routine et l’expérience ?

L’idée de féconder les terres improductives n’a pas manqué de se produire depuis février. La France renferme plusieurs millions d’hectares qui ne sont pas soumis à une exploitation régulière, et qu’on utilise à peine comme pâturages. On doit distinguer, parmi les terrains incultes, ceux qui appartiennent à des particuliers de ceux qui sont propriétés communales. Les premiers n’ont été négligés jusqu’à ce jour que parce qu’ils sont de qualité médiocre. Les biens dont la jouissance est commune comprennent, avec des superficies plus ou moins ingrates, des ferres auxquelles il ne manque que la culture pour être classées parmi les meilleures. Destinées originairement au pâturage en commun, ces terres, qui appartiennent à tous, ne sont soignées par personne. Le piétinement des animaux les écrase ; l’herbe y est dévorée dès qu’elle se montre. Les ressources qu’elles offrent pour la nourriture du bétail ne sont pas estimées à plus de 10 francs par hectare. C’est de la sauvagerie à laquelle il faut évidemment mettre un terme. Diverses propositions à ce sujet ont été adressées au comité de l’agriculture ; M. Tendret, de l’Ain, a résumé les avis dans un rapport qui est déjà déposé, et l’assemblée aura à se prononcer l’un des premiers jours.

La discussion qui va s’ouvrir n’est pas de celles qui passionnent les citadins, mais elle excitera une vive émotion dans les campagnes. Elle touche au ressort le plus essentiel de l’industrie agricole. Dans l’état actuel de la propriété rurale, l’usage des communaux et la vaine pâture sont des fléaux, tout le monde le reconnaît ; mais il faut avouer en même temps que ces pratiques des vieux âges sont la sauvegarde du pauvre. Aliénez le pâturage communal, complétez cette mesure en faisant enclore les champs particuliers, suivant la recommandation des agronomes, vous donnez une vive impulsion à l’agriculture ; mais, du même coup, vous arrachez au pauvre petit communier la chétive ressource qui lui permettait d’avoir une vache, une chèvre, un porc. Vous renversez les chaumières au profit de la ferme. Vous accroissez la richesse du pays pris dans son ensemble ; mais, si vous n’offrez pas