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pourtant de le dire, il nous parait impossible que les hostilités auxquelles le Danemark se prépare puissent avoir encore quelque chose de sérieux. L’armistice de six mois, conclu le 26 août à Malmoë, vient d’être dénoncé par le gouvernement danois, et Frédéric VII a publiquement promis qu’il serait, le 26 mars, à la tête de ses troupes, en face le l’ennemi. Le cabinet de Francfort a reçu l’avis officiel que le Danemark voulait seulement ainsi hâter la confirmation de la paix. La guerre est un moyen un peu brusque de conquérir la paix ; mais la guerre vaut mieux encore pour le Danemark que la prolongation d’un armistice qui maintient un gouvernement insurrectionnel, dans sa province de Schleswig. Le gouvernement de Francfort paraît beaucoup plus choqué que celui de Berlin d’un procédé si décisif. L’invasion allemande dans les duchés danois fut poussée par le vent révolutionnaire qui soufflait alors partout en Europe, et se mêlait à toutes les impulsions des masses ; la même anarchie qui brouillait l’ordre intérieur des états bouleversa le droit des gens et l’ordre international. La Prusse, qui fut, bon gré mal gré, l’exécuteur de ces hautes œuvres patriotiques sent bien à présent qu’elle n’a travaillé dans cette rencontre que pour les passions qui ont fini par se retourner sur elle et failli la ruiner. Elle ne se soucie plus de se mettre aux ordres du pouvoir central de Francfort, et le chevalier Bunsen, son ministre à Londres, a reçu pleins pouvoirs pour terminer la négociation.

Le cabinet de Francfort n’en est pas là. M. de Gagern a protesté devant le parlement contre la forme dans laquelle les Danois dénonçaient l’armistice ; il a dit que le point de départ de toute négociation pacifique, ce devait être absolument la prolongation et non pas la rupture de l’armistice ; il a dit que le jour de la rupture l’Allemagne serait prête, mais personne n’ignore aujourd’hui que Francfort n’est plus l’Allemagne, et il n’y a qu’à Francfort qu’on puisse encore si ardemment soutenir, après tant de déboires, qu’au nom du principe des races le Schleswig appartient à l’Allemagne en dépit des traités et des siècles. Aussi, pendant que M. de Gagern lançait sa sentence de guerre, il y en avait beaucoup sur les bancs de Saint-Paul qui se demandaient à qui donc en remettre le soin. On s’aperçoit bien que la Prusse ne se constituera pas le champion d’une cause trop aventurée : on est très certain que le Hanovre et les états maritimes suivront l’exemple de la Prusse on s’en rapporte au courage des révoltés du Schleswig en leur promettant les secours de l’empire tout le temps qu’ils tiendront ; quel empire et quelles ressources ! On a déjà construit deux douzaines de chaloupes canonnières, en attendant qu’on arme une flotte ; or, quand il s’agit de flotte allemande, on a beau quêter, le public ne donne pas son argent, et les gouvernemens refusent le leur, non-seulement la Bavière, l’Autriche, mais l’Oldenbourg et le Luxembourg. On peut bien les inscrire comme tributaires ; mais les poursuivre quand ils ne paient pas, c’est autre chose. Il y a donc lieu de penser que les nouveaux armemens du Danemark ne seront que l’occasion d’un accommodement plus prompt. L’Allemagne a réclamé le Holstein, qui doit lui revenir à la mort du roi régnant ; pourquoi veut-elle encore le Schleswig, qui en a toujours été distinct ? Parce qu’elle a pour elle aujourd’hui la possession de fait, parce que la patrie allemande sent le besoin d’un littoral plus étendu, parce qu’elle revendique son bien partout où il lui plaît de le trouver ! Ces argumens étaient à leur place en 1848 ; il n’est pas