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et si comme il faut. Cependant cette lumière échoue contre les colosses, surtout contre les quatre colosses assis dans le sable à la porte du grand temple. Toute lumière est trop faible pour les éclairer et part de trop bas pour les atteindre. Il faut que le soleil vienne dorer leurs têtes et créer sur leurs lèvres grandioses comme un majestueux sourire, ou que la lune donne à leurs fronts une sublime pâleur.

J’ai employé six journées à faire, tantôt à la clarté du soleil se glissant sous la terre, tantôt en m’aidant d’une bougie, le tour des trois salles du petit temple et des seize salles du grand. Je n’ai laissé passer aucune figure et aucun hiéroglyphe sans les considérer avec attention. J’ai épelé presque tous les mots de ce livre monumental, et j’ai eu le bonheur de comprendre une très grande partie du précieux texte qu’il contient. Du reste, il est des pages hiéroglyphiques plus difficiles à lire. Je ne sais comment Rosellini a trouvé celles d’Ibsamboul d’une difficulté remarquable. Ici les inscriptions sont, en général, courtes et claires, d’une bonne époque et d’un bon style. L’égyptologue est heureux quand il a affaire à des textes tels que ceux-ci, qui ne contiennent ni les interminables et indéchiffrables prières qui tapissent les tombeaux des Pharaons à Thèbes, ni surtout les textes hiéroglyphiques de la décadence, les signes rares, recherchés, compliqués à dessein de l’époque grecque ou romaine. Le public ne voudra pas croire, mais les initiés savent qu’à la première vue il est facile de dire si une inscription hiéroglyphique est du temps des Pharaons ou du temps des Ptolémées. On le reconnaît à la physionomie générale, au choix des signes employés, et, pour dire la chose telle qu’elle est, au style…, comme on distingue tout d’abord un vers d’Homère d’un vers de Lycophron.

Le plus grand nombre des observations que j’ai faites, pendant ces six jours, trouveront leur place dans un travail d’un autre genre. Je me borne aujourd’hui à indiquer ce qui caractérise chacun des deux temples d’Ibsamhoul, la disposition qui leur est propre, la pensée dans laquelle ils ont été conçus, ce qu’on pourrait appeler le sens de ces monumens. Quant au petit temple, Champollion a très bien montré qu’il était consacré à la déesse Athor. Cette divinité, dans laquelle les Grecs ont voulu retrouver leur Aphrodite, n’a rien du caractère riant de la fille des mers. Par ses attributs et sa coiffure, elle est entièrement semblable à Isis. Comme Isis, elle est mère d’Horus, et souvent il serait impossible de distinguer ces deux déesses, si l’on n’était éclairé sur ce point par la légende hiéroglyphique ; Dans la religion égyptienne, plus que dans aucune autre peut-être, divers types mythologiques se laissent ainsi ramener à un seul. Je crois donc qu’il y a là un travail de réduction à opérer. J’espère pouvoir, grace à ces identités divines, beaucoup simplifier le panthéon, en apparence si multiple et si confus,