pendant des siècles. On descend cette pente, et, dans le demi-jour qui tombe par la porte d’entrée comme par un soupirail, on aperçoit huit colosses-piliers qui ont été intérieure de la montagne dont ils faisaient partie, et que maintenant ils soutiennent sur leur tête. Ils offrent encore l’image toujours reproduite de Ramsès. On retrouve ici le profil particulier, la courbure du nez et l’expression de douceur qui le caractérisent, car ces colosses sont des portraits s’il en fut.
On a dit que les sculpteurs égyptiens représentaient toujours le même type, sans tenir compte de l’individu représenté. Les savans qui ont soutenu cette thèse n’avaient pas comparé l’admirable statue du grand Ramsès qui est au musée de Turin, le colosse de Memphis et ceux d’Ibsamboul ; ils auraient vu que toutes ces statues se ressemblent parfaitement et ne ressemblent aux statues d’aucun autre Pharaon Pour moi, si de fortune j’apercevais un de ces jours l’antique Ramsès errant dans ces grottes ténébreuses ou l’imagination s’attend sans cesse à le rencontrer, je le reconnaîtrais sur-le-champ.
Ramsès est représenté sous les traits de l’Osiris infernal, car tout homme mort est uni à Osiris, transformé en Osiris, et dans les légender funéraires s’appelle Osiris. Les innombrables statuettes qu’on trouve dans les tombeaux, portraits obscurs des bourgeois égyptiens, ont les insignes d’Osiris, comme le grand Ramsès. Cette sorte d’apothéose funèbre était pour tous. Les huit images de Ramsès qui sont là debout devant moi ont toutes les traits bien marqués du conquérant. Le noir des yeux et des sourcils les fait paraître vivantes, en même temps que leurs bras croisés sur la poitrine et toute leur attitude expriment le recueillement. Cette expression d’un recueillement qui dure depuis plus de trois mille ans, cette silencieuse immobilité des statues séculaires qui portent les montagnes en priant, ce roi, qui est à la lettre le pilier du temple, tout cela plonge dans une émotion religieuse. Je considère une à une les peintures qui décorent les trois grandes salles et les seize salles plus petites du temple, ces peintures encore si fraîches, qu’elles font dire aux Arabes : « Il semble que les ouvriers n’ont pas encore eu le temps de se laver les mains depuis qu’ils ont terminé leur travail. » Je m’enfonce, je m’oublie dans ces demeures souterraines, je vais des grandes salles aux petites chambres latérales. J’admire partout le majestueux style de l’époque du grand roi ; je contemple les colossales cariatides ; je marche au milieu de cette allée de géans je me tais comme eux ; j’écoute leur silence solennel, et puis j’en viens à me figurer qu’ils l’ont rompu quand ils étaient séparés du jour et de l’air, ensevelis dans la profondeur de la montagne. Qu’ont-ils pu se dire durant les siècles de cette longue nuit ?
Je sors, je retourne vers leurs frères, auprès desquels ils me semblent petits. Une des têtes a roulé dans le sable et gît aux pieds du roi décapité