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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/12

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elle-même sur des prétextes si puérils que le souvenir même en a disparu : tous ces symptômes indiquaient une de ces maladies vagues et cachées qui, sous les apparences de la force, aigrissent le sang et enflamment les moindres plaies. Y aurait-il trop d’optimisme à espérer que la crise déplorable de cette année, en affaiblissant, peut assainir le corps de notre société française ? Si la présence poignante de souffrances réelles pouvait nous guérir de prêter trop de créance à des plaintes imaginaires, si une lutte acharnée, qui a déchiré nos entrailles, nous dégoûtait de fomenter dans nos propres rangs des divisions factices et superficielles, si la voix sévère de la nécessite qui nous gourmande imposait silence aux conflits des amours-propres et faisait tomber le vieux levain des rancunes, s’il était donné surtout à des efforts persévérans de hâter ce salutaire effet du malheur, cette lueur d’espoir rendrait quelque force pour se mettre à l’œuvre.

C’est à cette tâche que, profitant du repos, passager peut-être, qu’un semblant de légalité nous a rendu, la Revue voudrait se consacrer. Elle l’a déjà fait depuis dix mois, elle l’entreprend aujourd’hui avec plus de suite et de régularité, et, il est permis de le dire aussi au lendemain d’un vote solennel, avec plus de courage et d’espoir. Réunir, pour faire face aux nécessités présentes et pour un but que l’avenir seul peut déterminer, toutes les forces de résistance et de conservation de notre grand pays, c’est un besoin que tout le monde sent, c’est un travail qui de toutes parts s’opère, pour ainsi dire instinctivement, et le temps, nous l’espérons, se met de la partie avec nous. Mais on peut essayer de venir en aide au temps. Des recherches consciencieuses dirigées dans cette unique pensée, abordant à fond toutes les questions que soulève la refonte genérale de notre état politique, peuvent servir à rallier sur quelques points un peu stables l’esprit public, fatigué de tant de divagations malheureuses. Ni l’utilité, ni l’intérêt, ni la nouveauté même, au besoin, ne manqueraient a une telle entreprise Quelque satiété, en effet, que nous éprouvions aujourd’hui, comme tout le monde, des innovations et des aventures, et bien que nous soyons intimement persuadés qu’après le grand renouvellement du siècle dernier la source des nouveautés saines et possibles et à peu près épuisée, tout n’est pas dit encore, même sur ces principes de 1789. Trente ans de prospérité et dix mois de malheur ont abondamment démontré qu’en dehors de ces principes, de démocratie sage et de liberté modérée, il n’y a pour la France ni honneur, ni fortune, ni repos. Cependant il reste à chercher pourquoi ces principes, sans lesquels nous périssons, ont eux-mêmes, dans un jour néfaste, semblé périr à leur tour, il reste a chercher pourquoi cette organisation, savante, sortie, il y a cinquante ans, du cerveau puissant d’un homme de génie, et qui semblait si bien en harmonie avec les sentimens de la rance, a tout d’un coup manqué