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par la base. Quelque faiblesse devait exister dans la société dernière, puisqu’elle est tombée, et cependant le fond de cette société était sain, bon, inaltérable, puisque la France entière en défend avec énergie les débris et salue avec enthousiasme tout ce qui semble lui en promettre le retour, puisqu’en dehors d’elle on n’a rien trouvé qui n’ait fait horreur ou pitié. Chercher par où nous avons péri et par où nous pouvons nous relever, découvrir le vice secret qui a corrompu le fruit de tant d’efforts, faire passer à un nouvel examen, éclairé cette fois par la double expérience du succès et de la défaite, toutes les idées sur lesquelles vit la France nouvelle, à moins de laisser tout là par désespoir, y a-t-il autre chose à faire ? C’est ainsi qu’on peut à la fois seconder la réaction légitime qui s’opère d’un bout à l’autre de la France contre les erreurs de ces derniers mois, et tirer de ces erreurs même quelque profit pour l’avenir, renouer, en un mot, au travers des commotions politiques, les anneaux de cette chaîne du progrès tant de fois brisée par les révolutions. Il nous arrivera sans doute de rencontrer sur notre chemin dans ces études les institutions nouvelles qu’on vient de nous faire. Il nous sera difficile de n’en pas parler avec la franchise qui nous convient et la sévérité qu’elles méritent, mais nous les subissons sans murmurer. N’y eût-il pas d’autres raisons, l’expérience est trop étrange pour ne pas avoir la curiosité d’aller jusqu’au bout. Amis de la légalité d’ailleurs par nature, quelle que soit celle qu’on nous donne, nous ne l’abandonnerons pas les premiers. Tout ce que nous lui demandons, c’est d’en faire autant de son côté, et de ne pas nous fausser trop tôt compagnie sans nous prévenir. Nos intentions n’ont rien de bien menaçant non plus pour les hommes qui peuvent, dans ces temps orageux, se succéder au pouvoir. Le sentiment qui nous domine, quand nous parlons d’un gouvernement quelconque, par le temps qui court, ce n’est pas la sévérité, c’est plutôt la compassion. Dieu nous garde de porter envie aux hommes que le devoir condamne à appliquer la constitution nouvelle ! La tâche de la respecter est bien assez pour nos forces.

Bien des gens penseront assurément que les écrits, les idées, les études réfléchies, exercent peu d’action dans le tourbillon révolutionnaire. Rien n’est si naturel aujourd’hui que le découragement sur tout ce qui ressemble à des principes et à des raisonnemens. Sur la ruine des théories constitutionnelles, la république vient d’élever à grand bruit de promesses et de mots philosophiques un nouvel édifice qui ne promet pas d’être plus solide, et qui tremble déjà au moindre vent. Un tel spectacle dégoûte de penser, et porterait volontiers à un culte exclusif pour la force matérielle. C’est le déplorable effet des révolutions. On ne doit pas blâmer cette impression, mais nous pensons qu’on doit s’en défendre. Nous n’avons garde de médire de la force, et de son attirail de canons et de lois martiales. On s’y est pris de manière à nous