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il ne lui demande que des plaisirs, et il butine le plaisir littéraire sans exclusion, sans prévention, sans défiance, un peu partout. Il pense de la critique comme La Fontaine au sujet des causeries :

La bagatelle, la science,
Les chimères, le rien, tout est bon : je soutiens
Qu’il faut de tout aux entretiens.
Sur différentes fleurs l’abeille se repose
Et fait du miel de toute chose.

Et il ajouterait volontiers avec le bonhomme, un si grand humourist lui-même :

J’aime le jeu, l’amour, les livres, la musique,
La ville et la campagne, enfin tout ; il n’est rien
Qui ne me soit souverain bien,
Jusqu’au sombre plaisir d’un cœur mélancolique.

Leigh Hunt est donc une nature saine et heureuse, un critique sympathique et plein de fraîcheur, un critique, si j’ose dire, friand et sensuel Il ne prend la plume que pour admirer et faire admirer, à quoi il s’entend mieux que personne. Il y a des gens sensibles aux beautés poétiques qui ne savent pas toujours se rendre compte de leurs impressions Quel guide que Leigh Hunt, précieux pour ceux-là, délicieux pour tous ! Vous connaissez ces belles phrases, ces notes enflammées, ces mots de génie que l’inspiration fait jaillir du contact de l’ame et de la nature, et où la poésie condense, comme en un cristal lumineux et pur, le rayon de la beauté, l’étincelle de l’esprit, l’éclair de la passion accens divins qui renvoient sans cesse à l’imagination et au cœur la chaleur, la lumière et le parfum dont le souffle poétique les traversa et les imprégna un jour ! Ces mots radieux, comme Leigh Hunt les flaire et les découvre, comme il les met en relief et sous leur jour, comme il en fait chatoyer les facettes, comme il les étale et les fait sonner dans sa main ! Avec quel art amoureux et familier il revêt de leurs joyaux ses poètes favoris, et quel plaisir de voluptueux et de prodigue il prend à ce jeu de luxe ! On dirait parfois un peintre du XVIe siècle ou un orfèvre florentin parant sa maîtresse. Les livres que j’ai sous les yeux sont des écrins. La critique de Leigh Hunt est une femme qui plonge ses bras nus dans un coffret incrusté rempli de pierres précieuses et qui fait ruisseler entre ses doigts transparens les diamans, les perles fines et les bijoux d’or.

Rousseau disait qu’il ne sentait jamais avec plus de vivacité et qu’il ne décrivait jamais avec plus d’éloquence les beautés de l’été que durant les nuits d’hiver « Que j’aime le premier frisson d’hiver ! » s’écriait le poète de notre génération au premier vers d’un sonnet plein de contraste et de grace. Tandis que la politique et la bise soufflent à nos fenêtres, nous pouvons passer avec Leigh Hunt, dans la société des