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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/249

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quelquefois assourdissant. En général, ils paraissent d’ailleurs très doux.

Telles furent les scènes au milieu desquelles l’expédition atteignit Aboh, la première ville importante de cette partie de l’Afrique située à trente-sept lieues à peu près de l’embouchure du fleuve. L’expédition, qui avait franchi, le 13 août 1841, la barre du Niger, arrivait à Aboh du même mois. Elle n’avait donc pas mis moins de quatorze jours à franchir cette faible distance. C’était trop de lenteur à l’approche de la saison où les eaux rentrent dans leur lit, laissant sur les deux rives une boue infecte d’où s’échappent des miasmes pernicieux.

Le 27 au matin, le roi d’Aboh, nommé Obi Osaï, vint en personne fair visite au commandant de l’Albert. Il était accompagné de deux de ses femmes et d’une fille. Sa suite se composait des principaux chefs du pays et d’un certain nombre d’esclaves. Tout cet entourage était si bruyant et fut trouvé si importun et si incommode, qu’on dut en purger le bâtiment. Le roi resta donc à peu près seul au milieu des commissaires anglais. On le conduisit à un siége qui avait été préparé à l’arrière, et y prit place, s’efforçant visiblement de recueillir ses idées un peu vagabondes et de conserver une majesté en rapport avec son rang et avec l’habit de gala qu’il avait endossé pour la cérémonie : ce vêtement imposant consistait en un uniforme de sergent-major des armées anglaises, présent offert par Richard Lander lors de son passage à Aboh, un pantalon écarlate ayant la même origine, et un bonnet de velours en forme de pain de sucre, placé de côté sur la tête du souverain avec un certain air de crânerie.

M. Allen a reproduit textuellement la longue conférence que les commissaires de la Grande-Bretagne firent subir au pauvre roi nègre. On le mit véritablement à la question, et plusieurs fois il fut au moment de fausser compagnie, alléguant « qu’il n’aimait pas à parler long-temps. » Ajoutons que l’Africain incivilisé eut, dans la discussion, tout l’avantage sur les agens de la couronne d’Angleterre. Voici, en effet, ce que ceux-ci étaient chargés de lui proposer : « Supprimez, disaient-ils, le commerce des esclaves, punissez ceux de vos, sujets qui continueront a s’y adonner, et, pour reconnaître cette concession, la reine d’Angleterre vous fera un cadeau. — Je le veux bien, répondait le nègre, mais c’est à condition que vous enverrez beaucoup de navires dans les eaux de mon royaume pour nous apporter des marchandises européennes en échange de produits de notre pays autres que les esclaves. » Le raisonnement d’Obi était juste. Le commerce extérieur de la plupart des états africains consiste presque exclusivement dans la traite des noirs. C’est leur proposer la ruine que de les inviter à supprimer le trafic des esclaves sans y substituer un commerce d’une autre nature. Les commissaires anglais ne pouvaient pas promettre au roi Obi d’établir