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branches qui répondaient aux instincts utilitaires de l’époque, et, tout naturellement aussi, quelques savans se sont laissé enivrer de cet encens. Chose triste à dire, il s’en est trouvé, et des plus éminens, qui ont en quelque sorte partagé les connaissances humaines en sciences utiles et en sciences inutiles. Bien entendu qu’ils appartenaient aux premières et s’adjugeaient le premier rang.

Il y a dans cette appréciation injustice et erreur : injustice, car une science ne s’adressât-elle qu’à l’intelligence, c’est-à-dire à la plus noble partie de notre être, elle n’en devrait pas moins être honorée à l’égal de celles qui se mettent au service du corps ; erreur, car nul ne peut prévoir quelles seront les conséquences usuelles d’un fait, d’un principe nouveau. Certes, quand Galvani faisait sauter des grenouilles décapitées en soumettant leurs muscles à l’action du fluide électrique, on était loin de prévoir la venue de Volta, l’invention de la pile et les merveilleuses applications de cet instrument. Nos utilitaires auraient haussé les épaules devant les expériences du médecin de Florence. À quoi bon ? auraient-ils dit. Aujourd’hui ils n’ont pas assez d’éloges pour le télégraphe électrique ou le dorage à la Ruolz. Insensés qui admirent l’arbre et auraient écrasé la graine !

Plus que toutes les autres sciences, la zoologie a eu à souffrir de cette erreur de l’opinion. La botanique a été bien moins maltraitée. D’où vient cette différence entre deux sciences qui se ressemblent sous tant de rapports, qui toutes deux ont pour but final l’étude des manifestations de la vie ? Uniquement de ce qu’on pourrait appeler la date de leur naissance. Dès les âges les plus reculés, la médecine a emprunté au règne végétal ses médicamens les plus usuels, les plus énergiques ; la connaissance des simples se retrouve chez les tribus les plus sauvages et toutes les nations modernes ont possédé de bonne heure des jardins de botanique. D’un autre côté, l’agriculture n’a longtemps été regardée que comme l’art de cultiver les végétaux alimentaires. À ces divers titres, les produits du règne végétal sont l’objet d’un commerce étendu, et dès-lors l’utilité pratique de la science des plantes était incontestable. Aussi, pour ne parler que de la France, ses applications sont-elles devenues, dans les facultés de médecine, dans les écoles d’agriculture et au Muséum, l’objet d’un enseignement spécial, enseignement qui, en relevant la science pure aux yeux mêmes du vulgaire, permettait de populariser et d’étendre ses conséquences pratiques.

Rien de semblable pour la zoologie. Bien plus tard venue, cette science a eu d’abord à reconnaître et à classer les êtres innombrables qui composent son domaine : tâche immense et bien autrement difficile que pour la botanique, car on ne peut pas mettre les animaux en portefeuille et en composer un herbier qu’on étudie à loisir. Les col-