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rende compte des élémens qui la composent, et réunisse en un même effort toutes les ressources, toutes les armes qu’elle a en elle.

Quels sont les élémens dont la société française se compose ? Dans l’ordre civil, il y a la famille, la propriété, le travail : ce sont précisément les trois bases de la société qu’attaque la guerre sociale. Le caractère essentiel de la société civile en France, c’est l’unité de lois et l’égalité de droits. Législativement, par les institutions, la révolution française a fait tout ce qu’elle pouvait faire en matière de réformes sociales : elle a détruit toutes les inégalités artificielles que les institutions politiques laissaient subsister entre les citoyens. Elle s’est arrêtée devant les inégalités naturelles. L’erreur et la chimère du socialisme, c’est de vouloir promener le niveau sur ces inégalités, au mépris de l’homme, de la nature et de Dieu. Dans toute l’étendue de notre société civile, au sein du travail comme au sein de la propriété, les diversités et l’inégalité des situations se produisent ou se maintiennent, et coexistent avec l’unité des lois et l’égalité des droits. La diversité et l’inégalité entre les travaux sont une des lois naturelles et générales du travail même, au nom duquel le socialisme lève son drapeau de guerre. Enfin, ces inégalités de mérite et de destinées sont dans ce monde la loi mystérieuse de Dieu et le résultat indomptable de la liberté humaine. Si, de l’ordre civil, nous passons à l’ordre politique, les élémens que nous rencontrons sont les partis. Il faut aller au-delà du nom des partis, au-delà des bannières personnelles qu’ils portent : les grands partis politiques ne représentent pas seulement des doctrines, des affections particulières ; ils représentent des groupes d’intérêts, des traditions historiques, des faits enracinés dans les entrailles mêmes de la société. La vraie constitution d’un peuple, c’est son génie national tel que son histoire le développe. Les grands partis répondent tous à de grandes phases du développement social ; ils ont été et ils demeurent les instrumens et les organes du génie national ; en faire disparaître un seul, c’est mutiler le caractère et attenter à la vie de la nation tout entière. La France est à la fois très nouvelle et pleine de passé. Deux partis représentent ce qu’il y a d’ancien et de nouveau, en elle : ce sont ceux que l’on désigne par les épithètes de légitimiste et d’orléaniste ; il est manifeste que ces partis ne s’attachent point à de simples noms, à de simples personnes ; ils sont autre chose que dynastiques, autre chose même que monarchiques Dans une société républicaine, ils se transforment sans se désavouer, et gardent le dépôt vivant des intérêts, des idées, des traditions, des situations, des forces qu’ils représentaient autrefois. Autour de ces partis, il y a la masse de la nation, qui leur est attachée par des liens fragiles d’habitude et d’intérêt ; les socialistes s’adressent à cette masse flottante ; tout leur travail est de l’attirer à eux, de la dominer au nom de ses misères et de ses besoins. Tous du reste, par une