Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/307

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les forces conservatrices de l’ordre social s’unissent et agissent en commun, la démocratie sera contenue et réglée ; elle montera toujours elle-même sans jamais faire descendre ce qui n’est pas elle, elle trouvera partout des issues, et elle rencontrera partout des barrières. Si, au contraire, les élémens conservateurs demeurent désunis et désorganisés, la démocratie perdra la France et se perdra elle-même.

Mais les conditions politiques ne suffiront point à nous donner la paix sociale. Les institutions ne sont, après tout, qu’une mécanique, et la machine a besoin de l’ouvrier. « La liberté humaine joue un grand rôle dans les affaires sociales, et c’est des hommes que dépend, en définitive, le succès des institutions. » Tout est donc subordonné à l’usage que nous ferons de notre liberté, au caractère moral de notre conduite, à l’esprit qui nous animera. Le socialisme s’enivre d’un sentiment passionné, de l’idolâtrie démocratique, de la foi insensée qu’il a dans la toute-puissance et la toute-bonté de l’homme. Nous serions vaincus, si nous n’avions à lui opposer ni un sentiment, ni une conviction, ni une foi. Ce sentiment est dans l’esprit de famille, cette conviction raisonnée dans l’esprit politique, cette foi dans l’esprit religieux. Au foyer de la famille, principe de stabilité et de moralité, s’échauffent aussi les sentimens tendres et dévoués, les passions affectueuses du cœur de l’homme, qui ont une si grande place à remplir dans les jours de luttes violentes et de vicissitudes révolutionnaires. L’esprit politique, en nous apprenant à chercher ce qui est réel, ce qui est possible dans les affaires humaines, par la discussion et sans violence, nous élèvera par sagesse, quand ce ne serait par vertu, au respect du droit, au respect de la loi, au respect des pouvoirs légaux, et rétablira un principe moral de fixité dans les rapports des hommes, et un principe moral d’autorité dans le gouvernement de l’état. Enfin, tout serait impuissant encore sans le secours d’un esprit plus élevé et qui pénètre plus avant dans les ames, sans l’esprit religieux, qui seul peut et sait parler à tous les hommes, et se faire entendre de tous, des grands comme des petits, des heureux comme des malheureux, qui seul, par ses ministres répandus et présens dans la société tout entière, donne des consolations à toutes les misères et des conseils à toutes les grandeurs. Si elle veut obtenir la paix sociale, la France ne saurait se soustraire à ces conditions fatales et inévitables. Elle peut souffrir sans mesure et sans terme, en les méconnaissant ; elle ne peut les abolir. Républicain, monarchique ou impérial, tout gouvernement qui les violera périra. Mais la France n’a pas fait de si grandes choses pour descendre, au nom de l’égalité, au plus bas niveau. Elle est pleine de force et de vie. Au bout de tant d’épreuves, instruite par ses malheurs la France se retrouvera elle-même, et avec l’aide de Dieu se sauvera.

Telle est la belle analyse à laquelle M. Guizot vient de soumettre