Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/341

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

veut aussi que la constitution générale ne soit point imposée, mais seulement proposée aux états particuliers : c’est là le sens de la dernière note du prince Schwarzenberg. Le programme de M. de Gagern et le rapport du comité chargé de l’examiner repoussent au contraire l’idée de laisser aux cabinets le droit d’accepter ou de refuser, chacun pour son compte, le nouveau pacte national ; ils insistent sur la difficulté que l’Autriche, à moitié formée d’états non allemands pourrait rencontrer en restant dans une fédération tout allemande. Le prussien s’acharne décidément à rejeter l’Autriche en dehors de l’unité manique ; il se croit à la veille d’enfermer l’Allemagne entière sous les plis drapeau noir et blanc. Le bruit court déjà que, si ce triomphe s’accomplit, le programme de M. de Gagern passe, non-seulement les députés autrichiens quitteront la diète, mais l’Autriche rappellera ses troupes des forteresses fédérales et retirera son contingent. Étrange destinée de la politique unitaire ! et encore ne parlons-nous pas du séparatisme, déjà presque officiellement annoncé, de la Bavière et du Hanovre. L’Allemagne serait donc ainsi disloquée au moment même où elle se jugeait assurée d’une intime union, et la ferme volonté de s’unir aurait abouti à ce cruel démembrement ! C’est que cette volonté s’est surtout fait jour par l’organe des factions révolutionnaires, et, si elle a été pourtant aussi formulée par de doctes constitutionnels, comme M. Dahlmann et ses adhérens, elle n’en est pas moins demeurée de la sorte une utopie radicale : le radicalisme des systèmes historiques de l’Allemagne s’est allié sur cette question avec le radicalisme des démagogues, et l’a perdue.

Il faut voir dans quelque état particulier ce progrès de dissolution qui correspond avec une si fatale exactitude aux prétentions et aux rêves d’unité absolue. Nous avons sous la main une lettre du docteur Strauss à ses électeurs, que nous ne pouvons nous empêcher de citer ; ces lignes expliquent tout. On y sent l’ironie pénétrante de cet esprit sagace. Le docteur Strauss avait été envoyé dès le mois de mars au parlement de Wurtemberg ; le redoutable critique n’en prit pas moins à son aise dans les matières politiques que jadis dans les matières de religion, et son implacable bonhomie se scandalisa du manége des partis aussi naturellement que des antinomies de la dogmatique. Il se permit ainsi de dire, à propos de Robert Blum, que la place d’un député de Francfort n’était point sur les barricades de Vienne, et dès-lors le théologien qui avait épouvanté l’Allemagne orthodoxe et presque incendié la Suisse fut maudit et exécré comme un vil réactionnaire. Strauss donne aujourd’hui sa démission. L’honnêteté de sa conscience, en lui montrant la tactique perfide avec laquelle procédaient les radicaux dans le parlement de Wurtemberg, l’avait rejeté vers le banc des chevaliers et des prélats. C’était une condition trop dure pour l’auteur de la Vie de Jésus ; il y renonce. Comment en est-on arrivé jusque-là dans ce paisible Wurtemberg ? « Il y a chez nous, écrit Strauss à ses électeurs, chez nous comme dans toute l’Allemagne, il y a dans la chambre des gens qui n’ont pris la révolution de mars que pour un demi-pas, qui regardent tout essai transformation pacifique comme une puérilité, qui n’aspirent qu’à un second bouleversement qui ne se réjouissent pas de ce qu’on a dit A, parce qu’ils voudraient qu’on eût déjà dit B ; des gens, enfin, qui sont heureux de toutes les déchirures ouvertes dans le terrain légal de l’état actuel, sans se demander s’il restera quelque sentiment de droit et de légalité pour asseoir l’état futur. Ces