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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/348

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pas d’autres conséquences, cela suffirait pour donner un sens aux accusations du socialisme, et pour ouvrir l’oreille des hommes prévoyans à ses plaintes, quels qu’en soient d’ailleurs l’amertume et l’excès, à moins qu’on ne soutienne avec les optimistes de l’école anglaise que ces prétendus maux ne sont que les inévitables conséquences d’un régime de tous points excellent, ou que, les attribuant, comme Malthus, à l’accroissement exagéré de la population, on ne se résigne, à défaut des fameux moyens préventifs dont l’usage est si délicat et la recommandation si scabreuse, à ces moyens répressifs que la Providence, dit-on, déchaîne à des jours marqués pour contenir la population et la misère dans des limites convenables.

Mais on ne persuadera pas aisément au genre humain que la peste, la famine et la mort soient son seul asile contre la misère. S’il est vrai que le mal ne puisse jamais être exilé du monde, il est vrai aussi que chaque jour il y perd du terrain. Si l’idéal d’une condition parfaitement bonne et parfaitement heureuse est inaccessible ici-bas, c’est l’irrésistible besoin de l’homme d’y tendre sans cesse, c’est son bonheur de s’en approcher avec le progrès des âges. Regardez d’un œil calme sous les chimères et les folies du socialisme, et, malgré d’étranges abaissemens, vous reconnaîtrez en lui une des formes de cette aspiration immortelle du genre humain vers une condition parfaite. Voyez aussi comme les apôtres de la doctrine, après avoir dépeint la société actuelle sous les couleurs les plus sombres et quelquefois les plus fausses s’enivrent contempler l’image enchanteresse de la société future. Plus de classes ennemies se regardant d’un œil de colère, plus de barrières entre le travail persévérant et le capital. À cette agitation fiévreuse et désordonnée qui met aux prises les intérêts, neutralise les forces, et dans ses alternatives de langueur et d’énergie livre la société à des crises formidables où les forts chancellent quelquefois, où les faibles succombent toujours, vous voyez succéder un mouvement égal, aisé, harmonieux, au sein duquel toutes les forces s’associent, tous les intérêts sont solidaires, toutes les classes réconciliées montent ensemble vers un niveau de bien-être que le progrès de la science élève de jour en jour. À mesure que la hideuse misère recule, que les inégalités injustes s’effacent, que les barrières artificielles tombent, la paix se rétablit dans les cœurs, les passions brutales désarment. La servitude du besoin détruite allége le poids de la chair, et les ames, affranchies du joug de la matière, se cultivent, se purifient et deviennent de plus en plus dignes de Dieu.

N’appuyons pas trop sur les traits de cet idéal ; n’essayons pas d’en arrêter plus exactement les contours. Il ne s’agit pas en ce moment d’exposer ou de discuter tel ou tel système socialiste, mais d’embrasser le socialisme d’une vue générale, pour assigner la commune raison d’être d’écoles diverses qu’il a enfantées. À ce point de vue et dans