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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/367

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vrai aussi de la charité sociale ; la charité est sans doute quelque chose de plus qu’un sentiment sublime, elle est un devoir sacré ; mais elle est quelque chose de moins qu’une obligation stricte : elle ne confère pas de droit corrélatif. Voulez-vous que le droit au travail soit absolu ? Je vous demande devant qui vous le revendiquerez, devant l’état ou devant les particuliers ? Dans les deux cas, j’ai, d’après vous, moi ouvrier inoccupé, le droit de réclamer impérieusement, et au besoin par la force, du travail, c’est-à-dire un salaire. Le droit au travail est donc le droit au salaire ou le droit au capital ; et, si j’ai droit à votre capital, votre capital n’est plus à vous : la propriété est une illusion. Si vous me renvoyez au capital de l’état, comme au fond l’état n’est pas distinct de l’ensemble des particuliers, j’ai droit alors au capital de mes concitoyens, et de cette manière encore il n’y a plus de propriété.

Il est donc désormais acquis au bon sens public qu’inscrire le droit au travail dans la constitution, c’était prendre pour un droit strict et absolu de l’individu envers la société ce qui n’est qu’une obligation large de la société envers l’individu, obligation dont personne ne peut fixer les limites ; c’était porter la main sur la société et la propriété par la confusion de la charité et de la justice, par l’interversion vicieuse du devoir et du droit.

Faut-il être obligé de revenir encore aujourd’hui sur des principes aussi simples ? Voici plus d’un quart de siècle qu’ils ont été établis avec la dernière rigueur et hautement proclamés par la nouvelle philosophie française. Lorsque, après les terribles journées de juin, l’Académie des sciences morales et politiques, répondant au noble appel du chef de l’état, se donna la tâche honorable de contribuer à la pacification des esprits en rappelant sous des formes populaires les principes fondamentaux de l’ordre social, l’illustre chef de l’école spiritualiste, M. Cousin, n’eut besoin, pour payer le premier son tribut, que de se souvenir de lui-même. Depuis longues années, lui et ses amis consacrent tout ce qu’ils peuvent avoir de force et d’influence à établir sur l’observation de la nature humaine les droits et avant tout les devoirs de l’individu, les conditions et les obligations de la société. Et quand un homme d’état éminent a courageusement saisi sa plume d’écrivain pour défendre la propriété, quand il en a si lumineusement exposé l’origine et les droits, la faisant sortir du moi humain, comme une application naturelle et universelle de nos facultés, comme un prolongement légitime de notre personnalité, comme une création et une conquête sacrée du travail, qu’a-t-il fait autre chose que traduire dans un style admirablement simple et persuasif ce que la psychologie française établit et proclame depuis trente ans ? Grace à tant de travaux, aux efforts combinés de la science, de la presse, de la tribune, nous croyons avoir le droit de considérer comme définitifs les deux résultats