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suivans : la propriété ne peut plus avoir de contradicteur sérieux ; le droit au travail est une pure illusion : il ira rejoindre dans le pays des chimères l’atelier social de M. Louis Blanc, le phalanstère de Fourier et la banque d’échange de M. Proudhon.


III.


Nous avons suivi le socialisme dans les deux épreuves qu’il a traversées, celle des faits et celle des théories. Au pouvoir, il s’est montré impuissant et malfaisant tout ensemble, incapable d’organiser le travail et habile seulement à le bouleverser, armant l’une contre l’autre les classes de la société, après avoir promis de les unir. Dans la sphère des idées et des théories, le socialisme n’a su qu’altérer, en les exagérant, les principes vrais qui faisaient sa force ; ce qu’il a produit de son propre fonds se réduit à deux choses : des utopies absurdes où se trahit la plus profonde ignorance de la nature humaine, et qui, aux ressorts réels de notre activité, substituent des ressorts imaginaires, des mobiles sans force véritable ou sans dignité ; puis des négations monstrueuses qui ont alarmé tous les intérêts, enflammé toutes les cupidités, excité enfin un cri de réprobation, auquel la meilleure partie des classes ouvrières est venue se rallier.

Est-ce à dire que le socialisme soit définitivement vaincu, qu’il n’ait plus désormais de racine dans les esprits, et qu’aucun danger ne menace l’avenir ? Une telle sécurité serait, à nos yeux, la plus complète et la plus périlleuse des illusions. Chassé des hautes positions qu’il avait conquises, le socialisme a repris avec un redoublement de ferveur et d’espérance son ancien rôle de souterraine propagation. Chaque jour, il s’insinue parmi les classes populaires, et, si l’on n’y prend garde, cette lave intérieure qui fermente et bouillonne dans les profondeurs de la société trouvera bientôt quelque issue et replongera le pays dans une crise plus effroyable encore que celle qui vient de finir.

Ici je me trouve en face de deux opinions fort accréditées, et qui s’appuient l’une et l’autre sur l’autorité d’esprits éminens. Les uns pensent que le problème soulevé par le socialisme et la révolution de février n’a pas de solution. Je ne sais même s’ils admettent qu’il y ait là un problème. La révolution de février n’est, à leurs yeux, qu’un pur accident, et si les doctrines socialistes ont pu créer un danger sérieux à notre pays, c’est qu’il avait perdu, par suite d’une méprise inouie, son pilote et son gouvernail. Aujourd’hui il les a retrouvés ; qu’il les défende mieux : voilà tout.

D’autres sondent d’une vue plus claire la profondeur du mal, mais ils se trompent sur les causes et sur les remèdes. À les en croire, le