fourrure. La journée a été bonne pour le guide du docteur ; cette chasse lui vaudra pour le moins un quadruple.
On a pu déjà comprendre quelle espèce d’intérêt s’attache au livre de M. Coulter. Notre Anglais est un singulier voyageur. Il n’observe et ne décrit guère, mais il raconte beaucoup. Dans les pays lointain qu’il visite, il n’a garde de suivre les routes battues, il passe à côté des villes, ou, quand il s’y arrête, c’est le moins possible. Partout, c’est vers les forêts, les solitudes inexplorées qu’il se dirige ; là mille aventures du genre de celle que nous venons de raconter se succèdent. M. Coulter a le tort de se complaire un peu trop dans le récit de ces luttes, qui font honneur assurément à son courage, à son adresse, mais dont les acteurs et le dénoûment sont presque toujours les mêmes. On finit par se lasser de ces marches continuelles à travers les forêts vierges, sans autre compagnie que celle des ours, des tigres et des chacals. On voudrait choisir parmi ces impressions, et on s’arrête avec charme sur les pages trop rares où le chasseur s’efface devant l’homme.
À peine remis de leurs fatigues, M. Coulter et son guide trouvent une nouvelle occasion de satisfaire leur goût dominant. À la tombée de la nuit, ils s’arrêtent dans une estancia située sur les bords d’une rivière. Le propriétaire de la ferme, métis espagnol, les accueille à merveille. L’estancia, jetée comme une aire au milieu de cette solitude sauvage (car elle est, comme les maisons de Tacames, exhaussée sur des poteaux au-dessus du sol), offre à ses habitans un asile inviolable, mais les palissades de ses enclos ne protégent qu’imparfaitement les bestiaux du maître. On attend pour la nuit la visite d’un rôdeur carnassier. Le docteur offre au propriétaire de lui prêter main-forte. Celui-ci accepte avec empressement. M. Coulter n’est pas moins heureux dans cette nouvelle chasse que dans la première. Deux coups de fusil tirés d’une main sûre mettent à bas le visiteur nocturne de l’estancia, qui n’est autre qu’un tigre monstrueux. Le docteur a largement acquitté la dette de l’hospitalité.
Après une courte halte à l’estancia, le docteur et son guide songent à se remettre en route. Avec un des quadruples gagnés à Tacames, M. Coulter s’achète une pirogue, et se décide à remonter la rivière qui passe à quelque distance de l’estancia. C’est le matin. Le docteur constate avec une certaine satisfaction qu’il est à seize milles de l’embouchure de la rivière et à vingt milles de son bâtiment. Cette rivière, qui passe près de Tacames, porte le nom de cette ville. La pirogue fend légèrement des eaux presque inexplorées. Sur les deux rives, d’épaisses vapeurs s’exhalent de la végétation pressée ; mais le soleil équatorial a bientôt dissipé ce brouillard opaque. L’Anglais et l’indien se courbent sur les avirons, et des paysages d’une majesté sauvage se déroulent autour d’eux. La rivière coule sous un berceau d’arbres touffus le martin-pêcheur rase la surface de l’eau ; les perroquets, caches sous le