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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/434

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Péninsule, étaient soulevées toutes les forces du roi Philippe IV n’avaient pas encore pu les réduire. Les anciennes colonies portugaises avaient suivi l’exemple de Lisbonne, et des villes nombreuses en Asie et en Afrique, comme Tanger, Macao et Goa, les plus belles îles de l’Océan, comme Madère et les Açores, des continens tout entiers, comme le Brésil, échappaient à la domination du débile successeur de Philippe II. Enfin, l’année même du soulèvement de Naples, il y avait quelque mois à peine, la Sicile, cette proche voisine, venait de donner le signal de l’insurrection, et un simple artisan de Palerme, élu capitaine-général du peuple, gouvernait l’île à la place du vice-roi.

La révolution de Naples arrivait la dernière dans cette longue série de désastres qui démembraient visiblement la monarchie gigantesque des rois catholiques. Elle avait donc pour elle tous les avantages, puisqu’elle frappait le dernier coup. Le gouvernement espagnol déconcerté, découragé, privé à la fois de toutes ses ressources, ne pouvait absolument rien contre elle ; la France victorieuse était prête à la secourir ; la Hollande, le Portugal, la Catalogne, la Sicile, ses sœurs insurgées, lui tendaient la main. Plus riche et plus peuplé que la Catalogne, la Sicile ou le Portugal, le royaume de Naples était encore séparé de l’Espagne par la mer qui lui servait de rempart. Cependant cette indépendance napolitaine, si facilement conquise, si généralement encouragée, si forte par le droit, par le succès, par le nombre, par la position, par tout ce qui fait la force en ce monde, dura à peine un an ; elle succomba, non sous l’attaque de ses anciens maîtres, mais sous ses propres fautes, tandis que les Pays-Bas, bien moins dotés par le ciel, fondaient glorieusement leur liberté, tandis que le Portugal lui-même, si faible, si dominé, s’affranchissait à tout jamais du joug espagnol. Cette infirmité radicale de la révolution de Naples s’explique par un fait qui est en même temps l’explication de bien des mécomptes semblables survenus de nos jours ; en Hollande, en Portugal, le soulèvement avait eu exclusivement le caractère national ; à Naples, il prit en outre, dès son origine, le caractère démocratique et social, comme on dit aujourd’hui, et c’est ce qui le fit périr si vite.

La révolte de Naples fut une révolte populaire dans toute la force du mot. Aucune autre peut-être dans l’histoire ne mérite ce nom à un si haut degré. Dès le premier moment, c’est le peuple qui entre en scène : il n’en sort que lorsque le rideau tombe sur le dénoûment ; et quel peuple ! Je n’ose pas dire quelle irrévérence, véritable polissonnerie de gamins, car il y avait aussi des gamins à Naples, fut le prélude de l’insurrection ; Masaniello, qui ne se doutait guère en ce moment de son brillant avenir, était parmi les auteurs de cette démonstration fort peu héroïque, qui commença par faire reculer les belles Castillanes placées aux fenêtres du duc d’Arcos. Quelques jours après, la