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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/457

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débat. Les mesures furent prises en conséquence. Les tribunes de l’enceinte législative furent occupées, Dès le matin, par les chefs de clubs, par les hommes qui avaient acquis une triste célébrité dans les désordres qui agitaient la capitale depuis quatre mois. Les montagnards, les Lyonnais, la garde nationale mobile, la garde républicaine, couvraient de leurs bataillons brûlans de la fièvre révolutionnaire les degrés, les couloirs et le péristyle du palais. La garde nationale y figurait aussi ; mais on savait que ses rangs étaient grossis d’une masse d’individus qui, loin d’être favorables au rétablissement de l’ordre, étaient prêts à se joindre aux émeutiers et aux anarchistes. C’est dans cette atmosphère chargée des passions les plus violentes que l’assemblée nationale dut faire la première manifestation de ses sentimens. Comment a-t-elle résisté à ces influences ? qu’a-t-elle fait pour conserver le calme qu’on cherchait à lui ravir, pour que la proclamation du nouveau gouvernement, quel qu’il fût, eût le caractère grave et réfléchi que réclamait un acte aussi solennel ? Les faits sont tristes à rappeler.

À peine la commission de l’Hôtel-de-Ville, par l’organe de son président, M. Dupont (de l’Eure), eut-elle fait l’ouverture des travaux de la constituante, que de formidables cris de « vive la république ! » se firent entendre. Ces cris venaient principalement des tribunes publiques. Une grande partie de l’assemblée resta d’abord immobile ; mais bientôt les bancs de la gauche ajoutèrent leurs acclamations à celles de la foule. Les moins enthousiastes s’échauffèrent au milieu de ce tumulte ; ceux qui étaient incertains se laissèrent entraîner, et toute la salle retentit du même vivat. Personne ne demanda la discussion sur la forme du gouvernement. Les orateurs qui se succédèrent à la tribune n’y montèrent que pour interpréter, suivant leur opinion personnelle, le sens de ces acclamations. Les uns disaient qu’elles étaient la consécration de la république une et indivisible ; les autres, de la république démocratique ; quelques-uns enfin, de la république démocratique et sociale. Tous étaient d’accord pour demander qu’il fût pris acte de l’unanimité avec laquelle on avait proclamé la république. Le président eut soin d’ajouter à plusieurs reprises que la proclamation de la république n’était pas en discussion, que personne ne pouvait mettre en doute cette forme de gouvernement. Pas une voix ne s’éleva pour protester contre cette confiscation des droits de la nation. Le général Courtais monta à la tribune et annonça que le peuple demandait que le gouvernement provisoire, accompagné de l’assemblée, vînt proclamer devant lui la république. Le gouvernement provisoire et le président de l’assemblée, suivis de toue les représentans, se rendirent sous le péristyle du palais. M. Audry de Puyraveau fit une nouvelle lecture de la proclamation de la république à la foule amoncelée sur les quais, sur le pont et sur la place de la Révolution, et qui poussait les plus énergiques acclamations.