Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/458

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Voilà par quel acte l’assemblée nationale a inauguré ses travaux, voilà comment elle a usé pour la première fois de la délégation de souveraineté qu’elle avait reçue du suffrage universel, voilà comment, dès le premier jour, elle a incliné la puissance de la France devant les injonctions orgueilleuses de quelques clubs qu’on appelait le peuple de Paris ! nous ne disons pas que, si les choses avaient suivi leur cours naturel, la république n’aurait pas été proclamée : ce n’est pas la conclusion que nous voulons tirer de ce récit ; mais nous voulons montrer en flagrant délit de contradiction les hommes de la révolution et leurs doctrines. Eux qui avaient reproché durant dix-huit ans au gouvernement de juillet de n’avoir pas puisé son droit dans la volonté du peuple librement et franchement exprimée, mettaient tout leur soin à soustraire l’établissement de la république à la discussion des représentans du pays. Ils n’avaient donc pas foi dans leur principe, ou se méfiaient du sentiment national ! Quel désappointement cette séance causa dans les départemens ! Quelles espérances, au contraire, pour les anarchistes, qui croyaient avoir été vaincus dans les élections ! Dès ce moment, les commissaires de l’Hôtel-de-Ville virent qu’ils pouvaient dominer la représentation nationale, et, l’entraîner, malgré ses sentimens secrets, dans le mouvement révolutionnaire. Pour cela, il suffisait d’avoir sous la main, et toujours prête, une armée d’émeutiers. Aussi dès-lors les clubs prirent une plus grande puissance, et les ateliers nationaux furent organisés militairement.

En politique, quand on connaît la faiblesse de son adversaire, on est sûr de le vaincre. Ce premier succès obtenu, tous les efforts des membres du gouvernement provisoire furent employés à s’assurer la conservation du pouvoir. L’entreprise était hardie, car il s’agissait de faire sanctionner par l’assemblée constituante tout ce qui s’était fait depuis le 24 février. Quoi ! approuver cette dictature qui avait foulé tous les droits, lésé tous les intérêts ! Quoi ! glorifier un gouvernement qui avait anéanti le commerce et l’industrie, épuisé le trésor public, répandu la misère sur tout le territoire, chargé la propriété d’impôts, compromis l’honneur et la dignité de la France à l’extérieur dans une propagande révolutionnaire mal déguisée ! Quoi ! demander à ceux qui devaient, pour être fidèles à leur mandat, prononcer une condamnation contre un tel gouvernement, qu’au contraire ils l’exaltent et lui décernent des couronnes civiques ! Cela aurait paru impossible à d’autres hommes que ceux qui avaient pu, en deux heures, par un de ces coups de fortune inappréciables à la raison humaine, renverser une monarchie appuyée sur la majorité du pays.

La commission de l’Hôtel-de-Ville avait dans son sein l’instrument le plus propre à la réalisation de son projet. C’était M. de Lamartine. Ses collègues savaient par quel mobile on pouvait agir sur son esprit