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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/47

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Nous avons cru devoir entrer dans quelques détails circonstanciés sur la pêche hollandaise, parce que nulle part cette industrie n’a acquis un développement pareil, et parce que c’est là un des plus frappans exemples à citer pour montrer ce que peut produire l’exploitation de la mer. Au hareng, et au hareng seul, est dû le rôle si considérable joué par la Hollande dans le XVIe siècle ; c’est au hareng, et au hareng seul peut-être, qu’elle doit les colonies d’outre-mer qui font encore aujourd’hui sa richesse. Le comté de Hollande, pas plus que les Provinces-Unies, n’eussent pu sans doute subvenir aux premiers frais d’établissement au Cap ou dans la terre des épices, si leurs pêcheries nationales n’avaient pas fourni les avances nécessaires pour fonder, pour protéger, pour développer les comptoirs naissans. C’est qu’en effet, bien mieux que la terre, la mer récompense le labeur humain. Et cela est facile à comprendre. Celui qui demande à la mer son pain quotidien ou sa fortune n’est astreint à aucune dépense d’achat de fonds, de défrichement, d’entretien, de semaille ou de culture, et pour lui tous les déboursés se réduisent à l’acquisition des ustensiles de pêche, c’est-à-dire à des frais de récolte.

Quoique les côtes du nord de l’Europe abondent en harengs d’excellente qualité, la pêche de ce poisson ne prit jamais, chez les peuples scandinaves, un développement comparable à ce que nous avons vu en Hollande. Toutefois les sanglans démêlés dont elle fut la cause montrent toute l’importance attachée à cette industrie par les états les plus florissans. Dès le XIIIe siècle, presque toutes les villes de la basse Allemagne possédaient en Scanie ou en Norvége des terrains que leur avaient concédés les rois de Danemark et de Suède pour y élever des pêcheries. En 1242, Éric VI, jaloux de la puissance acquise par les villes anséatiques, inquiéta les pêcheurs de Lubeck. La ligue prit aussitôt les armes, assiégea Copenhague, prit d’assaut cette capitale, la pilla et en rasa la forteresse. En 1368, Waldemar IV tenta à son tour d’enlever le droit de pêche aux villes de la confédération ; mais celles-ci, dans une assemblée tenue à Lubeck, décidèrent qu’on irait en force pêcher et saler le hareng sur les côtes de Scanie, malgré le roi de Danemark. La ligue anséatique ne s’en tint pas à ces menaces. Elle conclut avec les princes voisins, et, entre autres, avec le roi de Suède, un traité par lequel on devait attaquer et démembrer le Danemark. La confédération laissait ses alliés se partager le territoire. Pour sa part, elle se réservait la franchise et quelques privilèges dans les ports des deux royaumes, la faculté de pêcher le hareng en Scanie moyennant un droit de 20 deniers par last [1], et celle de transporter ce poisson à travers le Sund, en payant seulement 11 shellings (environ 3 fr. 60 cent.)[2] par bâtiment.

  1. Un last suédois se compose de 12, 000 harengs.
  2. Le shelling du Sund vaut environ 33 centimes.