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de deux cent cinquante lieues qui contiendrait les mines les plus riches de l’univers. Comme le fait remarquer avec justesse un des officiers américains que nous avons cités, il est difficile de traiter ce sujet sans être taxé d’exagération et de folie. À la distance où nous sommes et avec la difficulté déjà remarquée d’obtenir des renseignemens qui méritent confiance, il est presque impossible de dire où s’arrête la vérité, où commence l’exagération ; aussi me dispenserai-je de rapporter tous ces récits bizarres, vrais peut-être, quoique invraisemblables, que les journaux américains nous font chaque jour sur les fortunes accumulées en quelques semaines par les habitans de cet heureux pays. On assure que parfois un seul mineur a ramassé pour une valeur de 5,000 francs dans un jour ; mais il paraît certain que la moyenne du gain est de 100 à 200 francs. Cette moyenne du bénéfice journalier de chaque travailleur est assez élevée pour qu’on n’ait pas réussi à créer des sociétés ou entreprises de travail en commun. Aucune avance de capital n’étant nécessaire d’après la nature des mines, la position du plus pauvre travailleur égale celle du plus riche : chacun a donc avantage à travailler pour son propre compte, plutôt que de se mettre au service d’un capitaliste. Il paraît cependant, mais ce fait semble être exceptionnel, qu’un M. Sinclair est parvenu à enrôler pour son compte cinquante Indiens à un salaire fixe. Après cinq semaines de travail, déduction faite de la paie des Indiens, il avait recueilli pour une valeur de 90,000 francs d’or.

Les nouvelles les plus récentes de San-Francisco sont du mois d’octobre. Malgré les fièvres et les maladies qui avaient sévi dans les districts des mines, quatre à cinq mille personnes se livraient à la recherche de l’or, et l’on évaluait à environ 100,000 piastres, soit 500,000 francs, la valeur de la récolte journalière ; à chaque instant, on découvrait des veines nouvelles. Déjà les évaluations les moins suspectes d’exagération permettent d’estimer que l’exploitation annuelle de l’or de Californie pourra dépasser 80 millions de francs. Nous avons dit que, pour aller à la recherche de l’or, chacun avait quitté sa profession ; aussi les subsistances et tous les objets de première nécessité en général étaient-ils montés à un prix exorbitant : le baril de farine valait 50 dollars (250 francs) ; un chapeau avait été payé 70 piastres (350 fr.) ; une couverture de laine, 80 piastres (400 fr.) ; enfin, deux barils d’eau-de-vie, 14,000 piastres, ce qui met la bouteille à plus de 100 francs. La main-d’œuvre, comme on peut le comprendre, avait monté en proportion ; le petit schooner péruvien Lambayecana, se rendant à Lima, avait été obligé, pour pouvoir lever l’ancre, de payer deux matelots chacun 80 dollars par mois. Un garçon d’hôtel était payé sur le pied 9,000 francs par an. Des naturels des îles Sandwich, les plus mauvais manœuvres, étaient recherchés sur le port pour débarquer et emmagasiner