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triste état de choses paraît s’être prolongé jusqu’à nos jours, car le hareng ne figure pour rien dans les tableaux du commerce suédois que nous avons sous les yeux.

De tous les états européens, la Grande-Bretagne est peut-être celui qui fournit les documens authentiques les plus anciens sur la pêche du hareng. Il en est fait mention, dès 709, dans la règle des revenus et offices des monastères d’Evesham. En outre, la mer qui baigne les Îles Britanniques est peut-être la plus riche en harengs. Aussi voit-on, à ces époques reculées, la pêche de ces poissons présenter sur les côtes d’Angleterre et d’Écosse une activité remarquable ; mais, dès 1429, cette ardeur se ralentit. Le roi Jacques défendit de vendre aux étrangers les harengs que ceux-ci, surtout les Hollandais, venaient acheter en mer par grandes cargaisons. Cette ordonnance, en fermant un débouché considérable, en stimulant le génie actif des Hollandais, porta aux pêcheries écossaises un coup dont elles ne purent se relever. Vers le milieu du XVIe siècle, la pêche du hareng sur les côtes des Îles Britanniques était en entier aux mains des Hollandais et des Espagnols.

Les rois de la Grande-Bretagne ont fait long-temps des efforts inutiles pour changer cet état de choses. Jusque vers le milieu du XVIIIe siècle, nous les voyons encourager la formation de compagnies puissantes, en leur accordant des priviléges qui semblent devoir assurer le succès. Des princes du sang entrent dans ces associations, que dirigent les membres les plus éminens de la chambre des lords. Des encouragemens de tout genre leur sont prodigués, et néanmoins les compagnies se ruinent et tombent l’une après l’autre. Sans se laisser effrayer par cet insuccès, on crée, en 1749, la société des pêches britanniques[1]. Le capital social est porté à 500,000 livres sterling (12,500,000 francs) ; le prince de Galles accepte la présidence ; l’état dépense des sommes considérables en primes d’exportation, et, grace à ces moyens réunis, la société, en 1753, met en mer près de mille flibots ; mais ce n’était là qu’une surexcitation artificielle qui n’amena nul profit réel. Les privilèges exorbitans attribués à la compagnie anglaise eurent pour résultat d’anéantir l’industrie privée, surtout en Écosse, tandis que les frais de création et d’entretien d’un matériel exagéré absorbaient tous les bénéfices. Aussi, dès 1766, la société était-elle en pleine décadence, et la guerre qui s’éleva entre la France et l’Angleterre ne fit que hâter une ruine devenue inévitable.

On voit, par les journaux de cette époque, que ces coûteuses expériences commençaient à être comprises, et que le système des compagnies privilégiées était jugé sévèrement. Aussi, lorsqu’au commencement de ce siècle l’Angleterre a voulu raviver l’industrie dont nous

  1. Society of the free British Fishery.