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ordre des services publics ; nous gardons notre brave armée et nous couchons tranquilles. Peut-être sortirons-nous à la fin de ces luttes quotidiennes auxquelles la France use ce qui lui reste de force. À quand maintenant la législative ?

Les grands états européens ont eux-mêmes bien de la peine à se remettre de ce soudain tremblement qui les a si fort secoues. Nous décrivions dernièrement la situation trop tendue de la Prusse, de l’Autriche, de l’Allemagne entière ; nous montrions les périls nouveaux qui sortaient de cette situation, les nouvelles épreuves imposées aux gouvernemens qui semblaient se relever avec le plus de vigueur. Nous comptions au premier rang parmi ces difficultés l’effacement si regrettable du parti libéral et modéré, pris et pour ainsi dire étouffé entre les opinions extrêmes, sans qu’il ait presque en aucun endroit le pouvoir où la volonté de ressaisir sa légitime influence dans les affaires de ce monde. C’est cette abdication plus ou moins inévitable qui laisse encore toutes choses dans l’incertitude sur le Rhin, sur le Danube et sur la Sprée ; c’est cette mollesse qui achève de perdre l’Italie ; c’est elle qui permet au ministère Gioberti de pousser le Piémont à une guerre dont les éventualités dépassent de bien loin sa prévoyance ; c’est elle qui abandonne Rome à la direction d’une dictature démagogique, Florence à la tutelle des révolutionnaires déclamateurs du cabinet Guerrazzi et Montanelli.

Pendant que l’autorité pontificale, réfugiée à Gaëte, consume un temps précieux dans les tergiversations d’une politique hésitante, ou dans le maniement solennel des armes émoussées de saint Pierre, M. Sterbini règne en maître, organise les clubs et leurs promenades, fabrique avec nos recettes le patriotisme et la popularité. Rome se fait chaque jour plus déserte ; le peu qu’il y restait encore de personnages distingués quitte la place, et les journaux avancés s’écrient en triomphateurs : « Voilà bientôt la ville qui va devenir tout-à-fait démocratique ! » Il n’y manque plus que cette fameuse constituante italienne que la constituante romaine appelle à la rescousse, et pour laquelle le ministère toscan présente à la chambre des députés un projet de loi électorale basée sur le suffrage universel et direct. Triste destinée du grand-duc Léopold, ce prince si naturellement raisonnable, d’être obligé de prêter son nom à toutes les folles entreprises d’un cabinet auquel il a été condamné par le découragement trop hâtif, par la retraite impolitique des hommes qui, avec plus de fermeté, auraient pu l’aider à conserver chez lui quelque place au bon sens et à la modération nous aurons donc bientôt à Rome un surcroît de régime parlementaire, un redoublement de phrases ; mieux vaudrait, pour l’honneur de l’Italie, un commencement de courage, et quelques soldats de bon aloi feraient plu de besogne que tous ces beaux parleurs. Le ministre de la guerre à Florence, M. d’Ayala se donne, il est vrai, beaucoup de mal pour avoir une armée ; mais il ne parait pas qu’il possède en perfection le style militaire, et ses circulaires sont d’un philosophe bien sentimental pour annoncer un grand capitaine.

La Prusse est toute aux élections, et, s’il faut en croire les récits des ultra-démocrates, leur triomphe serait assuré. Il y aurait encore là un résultat déplorable de l’incohérence ou de la faiblesse avec laquelle les modérés ont jusqu’à présent dirigé leur action politique. Le système électoral établi en Prusse par la constitution octroyée du 5 décembre admet un mode d’élection différent pour chacune des deux chambres. La seconde chambre est nommée par le suffrage à