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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/521

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Ce commerce se ressent des moindres variations du prix des grains et s’étend à mesure que les communications se perfectionnent : il exporte aujourd’hui des œufs venus des coins les plus reculés des départemens du Pas-de-Calais, du Nord, de la Somme, et l’on ne peut se défendre d’une sorte d’admiration en voyant de près ce qui se déploie d’intelligence et d’activité dans un champ si modeste. Les cargaisons de menues denrées sont à peu près égales en poids, mais non en valeur. Les Colberts en blouses et en vareuses qui ont organisé ce commerce ont plus fait pour l’agriculture que le ministère qui croit la diriger de la rue de Varennes. Leurs exemples se sont propagés sur toute la partie de nos côtes qui regarde l’Angleterre. D’après les registres des douanes, les comestibles autres que les boissons, les grains et les farines, expédiés de France en Angleterre dans le courant de l’année 1847, ont atteint, malgré la réaction de la cherté des grains, une valeur de 12, 415, 000 francs. Nos petites cultures, ainsi stimulées, deviennent de jour en jour plus intelligentes et plus fécondes ; mais il y aurait de l’ingratitude à s’en glorifier sans rendre hommage au génie mercantile de la Grande-Bretagne, qui leur donne l’impulsion, d’autant plus admirable dans ses combinaisons que les bases en paraissent plus ingrates. Faut-il en citer un exemple entre mille ? Des cargaisons de pommes allaient partir pour Londres : on reçoit ordre de les ranger dans des caisses de dimensions uniformes. Sept planches et un trait de scie, quelques clous, quelques coups de marteau, voilà une caisse faite, et l’arrimage à bord devient aussi rapide que régulier. On n’aperçoit jusqu’ici rien qui ne soit à la portée des marchands de pommes du continent… Mais l’Anglais a commandé ses caisses à pommes de la dimension requise pour loger un mort de taille ordinaire ; à peine vidées, il les passe à l’entrepreneur des inhumations ; celui-ci les place, fait resservir les vieux clous, et 300 pour 100 sont gagnés sur l’économie des familles où l’on se fait enterrer à bon marché. Toutes les provisions de la côte s’expédient aujourd’hui sous cette ingénieuse enveloppe, et chaque saison de l’année apporte aux consommateurs de Londres son tribut de comestibles et de caisses de morts.

Le commerce avec l’Angleterre ne suffit plus à l’activité et aux capitaux des habitans de Gravelines : ils se sont mis à la pêche du hareng et arment aujourd’hui treize bâtimens pour celle de la morue ; ils vont chercher eux-mêmes à Saint-Ubes les sels que ces pêches emploient, et, par ces travaux intelligens, leur port est devenu le seul en France où se montre presque exclusivement le pavillon national. Ce petit centre de mouvement se maintiendra, malgré la concurrence de Dunkerque, par les opérations qui lui sont propres.

Ce n’est pas seulement à partir de 1662 que le territoire de Dunkerque