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a fait partie intégrante de notre pays. Il partageait le sort des Gaules lorsque César les réduisait sous la domination romaine. Il passait avec elles, en 420, sous celle du premier des Mérovingiens. Saint Éloi, qui donnait à la ville le nom qu’elle porte, était natif des environs de Limoges et ministre de Dagobert Ier, et les successeurs de ce prince administrèrent la Flandre pendant deux cents ans par des officiers qu’on appelait simplement forestiers. En 863, le forestier Baudouin surnommé Bras-de-Fer, eut la témérité de devenir amoureux de Judith fille du roi Charles-le-Chauve, et le bonheur de trouver grace devant elle. Il n’était pas d’assez bonne maison pour obtenir facilement la main d’une arrière-petite-fille de Charlemagne : la princesse le comprit, et, pour prévenir les objections, elle se fit enlever. L’affaire fit grand bruit ; le pape Nicolas Ier s’en mêla et excommunia les deux amans. Cet acte de sévérité ne les amena que l’année suivante à ses pieds. Touché de leurs larmes, il leur donna l’absolution ; mais le sacrement de pénitence n’était pas le seul qui fût nécessaire à la princesse : le pape intercéda auprès du roi, et, s’appuyant sans doute sur la doctrine des faits accomplis, il parvint à le fléchir. Charles pardonna donc et consentit au mariage. C’était assurément le meilleur parti que les circonstances lui permissent de prendre, et il n’y aurait eu qu’à le louer, s’il s’en fut tenu là ; mais, en vrai fils de Louis-le-Débonnaire, il érigea la Flandre, pour en faire la dot de sa fille, en état redevable d’un simple hommage à la couronne de France. Une fantaisie de princesse fut l’origine de cette séparation des provinces du nord qui, durant huit siècles, a causé tant de déchiremens en Europe.

Pendant ce long intervalle, l’histoire de Dunkerque n’a pas cessé d’être unie à la nôtre. Hors du règne de Charles-Quint, qui fit comprendre le fief de Dunkerque dans la rançon de François Ier, ce fief, tout en relevant de souverains souvent ennemis de la France, a presque toujours appartenu à des princes français. Par une de ces bizarreries qui naissaient de l’application du droit féodal, Henri IV, Louis XIII et Louis XI lui-même étaient seigneurs particuliers de Dunkerque au temps même où les Dunkerquois faisaient à leur couronne, comme vassaux de celle d’Espagne, la guerre la plus meurtrière. Au milieu de ces guerres, la ville revint plus d’une fois à la France ; elle y fut réunie de 1299 à 1305 par Philippe-le-Bel ; en 1382, nous l’arrachâmes des mains des Anglais, mais sans autre intention que de la remettre au comte de Flandre ; en 1583, le maréchal de Thermes la prit, la saccagea ; et, au récit des cruautés qu’il commit, on voudrait déchirer cette page de notre histoire. Les murs de cette époque entraînaient tour à tour toutes les parties belligérantes dans les plus affreuses représailles, et, pour en citer un exemple authentique, un acte de l’amirauté de Dunkerque en date du 10 août 1601 porte textuellement :