Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/542

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de 1789. L’établissement maritime a reçu de nos jours d’importante améliorations ; le chenal et les estacades ont été refaits ; le port et le bassin ont été revêtus de quais magnifiques ; un phare s’est élevé sur la plage ; un bassin de chasses de 32 hectares a été creusé pour dégager le chenal, qui pourtant n’admet plus d’aussi grands bâtimens qu’autrefois. Le Fendant de 70 canons, qu’allait monter Jean Bart lorsqu’il mourut, n’y entrerait pas aujourd’hui, et, pour que la rade puisse accomplir toute sa destinée en temps de guerre, il faut rendre le port accessible aux vaisseaux. En 1847, 3,537 navires, dont 2,570 français, sont entrés ou en sont sortis ; nos pêcheurs y ont rapporté pour 1,690,000 f. de morue et pour 508,000 francs de poisson frais ; la douane a perçu 7,018,259 francs, et le mouvement des marchandises a été de 148,855 tonneaux à l’entrée, de 89,055 à la sortie, ce qui présente une balance de tonnage beaucoup moins défavorable qu’à Anvers. Le mouvement maritime tend toujours à se mettre en équilibre avec le mouvement territorial ; il s’accroîtra donc par l’impulsion que celui-ci reçoit des chemins de fer, et l’état de choses actuel peut être considéré comme un point de départ. Des mesures intelligentes, prises par l’administration des douanes, ont déjà amené à Dunkerque les importations de laine très considérables qui se faisaient par la frontière de terre ; le transit en franchise et sans formalités de douanes, convenu avec la Belgique et l’union douanière allemande, promet de nouveaux progrès ; il reste bien d’autres conquêtes à faire, et puissions-nous avoir indiqué ici quelques-uns des moyens de les accomplir !

À juger de la valeur des choses par celle des hommes dont elles ont attiré l’attention, la ville de Dunkerque est un des points de notre territoire qui ont le plus de titres à l’intérêt du temps présent. Avant les six voyages qu’y fit Louis XIV, Charles-Quint s’y était arrêté deux fois, en 1520 et en 1522 ; Pierre-le-Grand, venant étudier sur la mer du Nord les moyens de créer une marine en Russie, y demeura quatre jours en 1717 ; Napoléon y séjourna une semaine en 1805, occupé des préparatifs de guerre contre l’Angleterre qui éclatèrent sur l’Autriche, et méditant, pour la paix, des projets dont la fortune n’a pas permis la réalisation ; enfin, Condé, Turenne, Vauban, ont considéré Dunkerque comme le pivot de toutes les opérations militaires dont la Flandre maritime peut être le théâtre. Tournons nos regards du même côté qu’eux, et souvenons-nous que travailler à rendre plus forte et plus prospère cette ville déjà si grande par ce qu’elle a fait et par ce qu’elle a souffert, c’est travailler à élever la France tout entière.

J.-J. Baude.