Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/674

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quel respect, de quel mystère, s’il est possible, l’intérêt social exige qu’il soit environné ; nous savions ce que l’autorité perd de force à ces épreuves périodiques de l’élection, à cette menace de responsabilité toujours suspendue sur sa tête, à ces discussions sans cesse renaissantes sur son origine et ses limites. Nous savions encore que tout ce que l’autorité perd est ôté au repos, à la prospérité du pays, à la liberté des bons citoyens. C’étaient là les raisons sensées, viriles, patriotiques de notre attachement à l’institution monarchique. Cette institution n’est plus : les questions terribles que nous voulions épargner à notre pays se sont posées malgré nous. Elles se sont élevées du premier coup sous leur forme la plus menaçante, et jusqu’ici elles sont restées sans réponse. Tout l’effort des hommes dévoués à leur patrie doit être d’en sortir aux moindres frais de liberté et de sécurité possibles. S’il n’existe aucun moyen de résoudre logiquement toutes les difficultés, il peut exister des expédiens pratiques pour les pallier. Ce sera à la prochaine assemblée de les trouver. En diminuant, par une décentralisation graduelle, la force et en même temps la charge du pouvoir exécutif, de manière à atténuer aussi l’ambition qu’il inspire et à pouvoir définir d’une façon plus précise ses attributions essentielles, en interposant entre le président et l’assemblée l’intermédiaire pacificateur d’une chambre conservatrice, en faisant concourir, par quelque moyen indirect, le corps législatif avec le suffrage universel dans l’élection du président, en s’assurant ainsi par avance d’un peu d’harmonie entre les pouvoirs, on peut espérer d’amoindrir, sinon de faire disparaître entièrement les périls essentiels de la forme républicaine. Nous n’avons rien fait pour les attirer sur la France ; il faut tout faire pour les conjurer. Nous n’avons pas appelé cette épreuve, mais nous ne voudrions pas qu’on pût nous reprocher un jour d’en avoir entravé le succès.

Que penser cependant des hommes qui ont eux-mêmes soulevé ces questions formidables, et qui, une fois placés devant elle, se sont trouvé aussi peu d’intelligence pour les comprendre que d’habileté pour les résoudre ? Que penser des hommes qui se sont implantés eux-mêmes au gouvernail du vaisseau, qui l’ont lancé sur cette mer orageuse sans boussole à la proue, sans lest dans la carène, pour aller donner au premier souffle de vent, contre des écueils à fleur d’eau, connus de tous les pilotes, marqués sur toutes les cartes ? Au moins, s’il était survenu quelque tempête, s’ils pouvaient s’en prendre à quelque accident, leur responsabilité serait moins lourde. Mais non : c’est contre les difficultés connues, vulgaires, éternelles des gouvernemens républicains, qu’ils sont venus échouer tout droit en pleine paix et en plein jour ! ils ne savaient donc pas ce que c’était que la république, quand ils la donnaient à la France ! Et en effet, on cherche en vain ce qu’est dans leur pensée cette république qu’ils ont toujours sur les lèvres, et dont ils s’attribuent la connaissance et la possession exclusives. Ce