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720 REVUE DES DEUX MONDES. ra.... Ouf, j’ai le gosier en feu! Voilà douze heures que je n’ai déparlé. Dieul que j’ai soif! (Elle s’approche d’un guéridon, y prend un verre et remplit d’eau. Maurice tourne les pages d’un livre posé sur la cheminée; il voit Madeleine dans la glace. Elle tire de son sein la fiole de Zaphara, la vide dans le verre, puis la cache avec précipitation; elle se retourne alors vers Maurice le verre à la main.) MADELEINE. Voulez-vous boire, Maurice ? MAURICE, faisant un pas vers elle. Oui. Donnez. MADELEINE, riant, et approchant le verre de ses lèvres. Eh non, vous êtes sot ! Je vais vous faire apporter de l’eau sucrée. — Ceci est une drogue pour les comédiennes. (Elle vide le verre d’un trait. Maurice courte elle, lui saisit la main et la regarde dans les yeux; elle ajoute en souriant d’un air égaré :) C’est la mort que je viens de boire.... Me crois-tu maintenant? MAURICE. Ce n’est pas la mort! c’est la vie! c’est l’amour! c’est le salut! Je te crois... je t’aime! (Madeleine, les yeux fixes, le regarde sans comprendre.) J’étais chez le Juif... j’ai tout vu... j’ai pris le poison pendant le souper... ce que tu as bu n’est rien. MADELEINE, poussant un cri. Ah!... Maurice!... sauvée !... (Elle tombe défaillante sur un fauteuil.) MAURICE, penché sur elle. Oui, je te crois ! oui, je t’aime! J’unis pour jamais ma main à ta main , mon ameàton ame. Ne regrette rien.... jamais épouse ne reçut d’un homme, au pied d’un autel, plus de foi et plus de respect que ton amant ne l’en consacre à la face du ciel. (Les traits de Madeleine s’altèrent de plus en plus.) Remets-toi, chère enfant!... Madeleine! MADELEINE, d’une voix faible. Non, non... Marguerite! ta Marguerite ! (Elle s’évanouit.) La toile tombe. LETTRE. a A M. l’abbé Miller, curé de Saint^Étienne. « Le matin de Noël. <c Mon cher curé, je crois en Dieu. a Madeleine. » Octave Feuillet.