Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/799

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On voit, par ce qui précède, à quel point le service administratif devait influer sur les opérations militaires. La révolution introduite dans le système des approvisionnemens par le maréchal Bugeaud a permis de transformer les corps nombreux et pesans de l’ancienne armée algérienne en colonnes actives. Cette innovation a décidé la conquête du pays. Aujourd’hui une colonne d’environ 3,000 hommes renferme quatre ou cinq bataillons d’infanterie, un ou deux escadrons, suivant qu’on doit agir en montagne ou en plaine, une section d’artillerie, une section d’ambulance, un convoi d’administration, le bagage des corps, un troupeau, enfin habituellement un goum, c’est-à-dire une troupe de cavaliers arabes à la tête de laquelle un de nos khalifa ou agha vient aider nos opérations, faire le service des reconnaissances, nous renseigner sur le pays. Au moment du départ, la troupe reçoit six jours de vivres et les porte sur elle ; 250 mulets suffisent donc pour assurer la subsistance pendant dix jours : voilà la colonne alimentée pour une quinzaine, se suffisant à elle-même, et, par suite, jouissant d’une entière liberté d’allure. 150 mulets pour le reste des accessoires c’est beaucoup : ainsi, les impedimenta d’une colonne de 3,000 hommes exigeront au plus 400 bêtes de somme, pourvu qu’elles soient en bonne condition de marche, et plutôt en état de dépasser le fantassin que de le ralentir. Le troupeau seul, composé des bestiaux dont on doit se nourrir pendant l’expédition, retarde quelquefois ; mais l’arrière-garde et son escorte spéciale en souffrent seules. L’ordre de marche habituel est celui-ci : un bataillon à l’avant-garde, l’artillerie et la réserve ; l’ambulance, le convoi de vivres, les bagages, l’infanterie, les escadrons en tête ou sur les flancs de la colonne, ou prenant place dans son intérieur, suivant l’état des lieux ou de la guerre.

Faut-il passer sous des positions inquiétantes ? quelques compagnies y ont détachées, les occupent, et, quand tout le monde a défilé, se replient sur les derrières. L’ennemi paraît-il en force ? on arrête, le convoi se masse ; les compagnies posent leurs sacs à terre, les laissent sous la garde des hommes moins valides, ou, à défaut, d’un peloton commandé ; au signal de leurs chefs, elles s’élancent au pas de course, abordent et enlèvent les positions sans avoir tiré quelquefois un coup de fusil : l’armée passe. S’agit-il de camper ? l’infanterie forme un grand carré, ses faisceaux à l’extérieur, ses grand’gardes en observation sur les points avancés, ses feux en arrière. En un instant, les sacs de campement sont dépaquetés, agrafés, tendus avec des bâtons coupés en chemin, à défaut, avec des baguettes de fusils. Ainsi se dresse, après la ligne des faisceaux, une rangée de tentes basses où l’on ne peut entrer qu’en se glissant, où les soldats sont très bien garantis pendant leur sommeil de la rosée ou de la pluie. Une tente formée par la réunion de deux sacs de campement abrite deux hommes. Pendant ce