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Titiens devraient être suspendus sur des murailles mal crépies, et s’il était décent d’exposer tant de trésors dans une salle qui, pour la décoration, ressemblait fort à une écurie. Richesse oblige : on n’étale point un service de Sèvres sur une table de sapin ; chacun a senti qu’il fallait traiter avec un peu plus de cérémonie les grands maîtres qu’on vient de si loin admirer dans le Louvre.

La commission de l’assemblée nationale n’a point exigé de l’architecte un travail graphique, car, pour arriver à la meilleure disposition, à la meilleure décoration possibles, il est évident que plus d’un essai sera nécessaire. D’ailleurs, le nom de M. Duban suffisait pour garantir que ni le goût ni l’expérience ne feraient faute dans cette entreprise ; les excellentes restaurations de la Sainte-Chapelle et du château de Blois sont là pour prouver la souplesse de son talent et son tact à employer toutes les ressources de l’art. Un seul changement a été introduit par la commission dans le programme présenté par le ministre. On y a formellement inscrit le mot de tentures, qui exclue une décoration en boiseries, décoration à laquelle l’architecte avait songé peut-être, mais à laquelle il ne s’était point sans doute irrévocablement arrêté.

Nous regrettons ce mot. Il donne des entraves à un homme de talent et le prive de cette liberté d’allure si nécessaire à un artiste. Selon toute apparence, la commission a été frappée d’abord des inconvéniens d’un système de décoration en boiseries. Danger du feu, immobilité de la décoration, impossibilité de changer, selon les caprices ou les variations continuelles du goût, des tableaux enfermés dans un encadrement fixe, voilà les considérations qui ont probablement obligé les représentans à rejeter une décoration en menuiserie. Ces défauts ont fait condamner un système qui, suffisamment étudié, aurait pu, nous n’en doutons pas, résister à toutes les objections que nous venons d’exposer. Par contre, le mot de tentures en soulève d’autres tout aussi fondées peut-être. S’il s’agit d’interpréter ce mot dans le sens le plus ordinaire, il faudrait entendre des draperies de drap ou de velours, de toile ou de laine ; mais a-t-on bien réfléchi, nous le demanderons, à l’effet produit par la lumière et la poussière sur des étoffes ? En considérant les rideaux de sa fenêtre, chacun peut voir ce que deviennent au soleil les couleurs réputées les plus solides ; et, si l’on a jamais assisté à un balayage du lundi, on se représentera ce que peuvent absorber de poussière des tentures hautes de quinze mètres.

Mais ce n’est pas avec le dictionnaire de l’Académie, nous l’espérons que M. Duban interprétera la décision de l’assemblée. Le bois a ses défauts, sans doute ; des étoffes ont les leurs. Laissons l’artiste chercher un remède aux inconvéniens, qu’on lui a signalés, et si, en fin de compte, il arrive à un résultat heureux comme nous n’en doutons pas, ne nous mettons point en peine d’examiner de trop près les moyens qu’il aura employés.