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des regrets touchans épars çà et là, la religion du souvenir conservée pieusement dans quelques ames fidèles. M. de Lamartine s’est écrié quelque part :

Nations, mot pompeux pour dire barbarie,
L’amour s’arrête-t-il où s’arrêtent vos pas ?
Déchirez ces drapeaux ; une autre voix vous crie :
L’égoïsme et la haine ont seuls une patrie ;
La fraternité n’en a pas !


Or, tandis que l’illustre rêveur, dans un vague sentiment cosmopolite qui conduirait au chaos, jette sans réflexion ces imprudentes paroles, à l’extrémité opposée, le poète de la Bretagne, dévoué aux plus anciennes traditions de la terre natale, et, pour ainsi dire, obstiné dans son amour, semble répondre en gémissant :

Donc, à notre retour, du milieu de la lande,
Le joyeux halliké ue s’élèvera plus ;
Les pâtres trameront quelque chanson normande,
Et nous serons pour eux comme des inconnus.

Oh ! l’ardent rossignol, le linot, la mésange,
Pour louer le Seigneur n’ont pas la même voix ;
Dans la création tout s’unit, mais tout change,
Et la variété, c’est une de ses lois.




Le dur niveau partout ! — O prêtres d’Armorique !
Si calmes, mais si forts sous vos surplis de lin,
Anne laissa tomber le joug sur la Celtique ;
Sauvez du moins, sauvez la harpe de Merlin !

Par-delà le détroit, chez nos frères de Galles,
On n’a point oublié la bannière d’azur ;
Le barde vénéré siége encor dans les salles,
Et les livres fervens prônent le grand Arthur !

Qui ne sympathiserait à ces plaintes du poète ? Comment ne pas préférer ce sentiment filial à la fraternité hautaine qui voit dans la patrie une Invention de l’égoïsme ? Et pourtant, aux yeux de la froide vérité, le barde breton n’a pas moins tort que le chantre ambitieux du genre humain. Il est des sacrifices nécessaires, largement compensés, d’ailleurs, par de précieux échanges. Lorsque le génie de la France absorbait