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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/874

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tantôt le cri des psaumes : Quàm magnificata sunt opera tua, Domine ! Omnia in sapientia fecisti. M. Conscience a écrit après bien des maîtres illustres le commentaire de cet antique et sublime enthousiasme, et il a su conserver une physionomie originale. Je ne le comparerai ni Rousseau ni à Bernardin de Saint-Pierre ; on ne trouvera ici assurément ni l’ardente passion de Jean-Jacques, ni les harmonieuses peintures de son disciple : on y trouvera les impressions toutes neuves d’un cœur naïvement épris de son sujet. Ce n’est pas en vain que M. Conscience a passé trois ans de sa jeunesse enfermé dans une solitude, sans autre maître que la nature adorée ; déjà le petit pâtre, dans Hugo de Craenhoven, avait exprimé délicatement ce souvenir ; le livre dont je parle ici est comme le journal de ces années de contemplation et d’amour. L’auteur y a ajouté seulement la science qui lui manquait alors. Science et poésie, étude minutieuse des détails et sublimes ravissemens de l’ame, tel est le double caractère de ce livre, qui a révélé un aspect nouveau de cette sérieuse imagination.


III

On voit, par cette variété de travaux, quelle est la souplesse du talent de M. Conscience. Ce n’est pas à son patriotisme tout seul que l’habile conteur doit sa popularité, c’est à la distinction naturelle de ses œuvres et au parfum de vérité qui s’en exhale. Après une jeunesse inquiète, après maintes douleurs noblement supportées, M. Conscience a trouvé enfin dans la société belge la place dont il est si digne. Professeur agrégé à l’université de Gand, membre de l’institut de Leyde, chargé d’enseigner aux enfans du roi Léopold la langue et la littérature flamandes, l’auteur du Lion de Flandre et de l’Histoire de Belgique peut désormais se livrer sans peine à son inspiration, et justifier par de nouveaux succès la bienveillance de l’Europe lettrée. M. Conscience, en effet, si peu connu chez nous, a été accueilli avec une faveur empressée par les littératures étrangères. Plusieurs traductions de ses récits ont été publiées en Allemagne ; il faut citer au premier rang celle de M. de Diepenbrock, prince-évêque de Breslau. La plupart des écrits que je viens d’analyser ont paru en anglais à Londres, en bohémien à Prague, en polonais à Posen, en danois à Copenhague. M. Conscience est un des conteurs les plus populaires du nord de l’Europe. Il a pénétré même dans le midi : M. Thomaseo Gar a donné à l’Italie les œuvres complètes, et M. l’abbé Negrelli un choix de nouvelles du romancier flamand. M. Conscience n’a pas été enivré de son triomphe ; esprit sérieux et religieux, on le voit chaque jour en progrès sur lui-même, on le voit occupé de plus en plus à secouer le joug des partis, à chercher son vrai rôle, qui est d’instruire, de charmer et de moraliser son