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Dans le mois de septembre 1767, Léopold Mozart et ses deux enfans retournent à Vienne. Ce second voyage dans la capitale de l’Autriche, qui était alors le centre d’un grand mouvement musical, et où l’école allemande et l’école italienne se disputaient la domination des esprits, fut moins heureux que le premier pour Wolfgang. Sa réputation déjà européenne et le développement extraordinaire de son talent éveillèrent la jalousie de ses rivaux, qui lui suscitèrent mille cabales ténébreuses. Admis à jouer du piano devant l’empereur Joseph II, dont il conquit l’admiration, il ne put jamais parvenir à faire représenter en public un petit opéra, la Finta semplice, que ce prince lui avait demandé et qui avait mérité l’approbation de Haase et de Métastase. Échappé à une nouvelle et grave maladie qui le priva de la vue pendant neuf jours, Mozart, après une petite excursion à Olmütz, dut quitter Vienne avec la seule consolation d’avoir inspiré la terreur à ses nombreux ennemis et avec l’amitié du fameux Mesmer, pour lequel Wolfgang composa un petit opéra-comique en langue allemande, Bastien et Bastienne, qui fut représenté dans la propre maison du thaumaturge. De retour à Salzbourg dans les derniers jours de 1768, Mozart y passa l’année suivante à se familiariser avec la langue italienne, et, dans le mois de décembre 1769, accompagné seulement de son père, il descendait vers les campagnes lumineuses de l’Italie, où l’attiraient l’instinct mélodique de son génie et les vues de la Providence. Quelques années plus tard, l’auteur de Faust devait aussi visiter ce pays aimé du soleil et y puiser ces regrets d’une terre fortunée dont il a rempli le cœur de Mignon.

À peine Mozart fut-il arrivé à Milan, que ce peuple enthousiaste l’accueillit avec transport en le saluant du titre de giovinetto ammirabile. Il parcourut la péninsule, étonnant les académies et les vieux docteurs par son savoir et son exécution. À Bologne, il improvise une fugue devant le padre Martini et Farinelli ; à Rome, il retient par cœur le Miserere d’Allegri, morceau compliqué qu’il écrit et livre pour la première fois à la publicité ; à Naples, en jouant une sonate au conservatoire della Pieta devant Jomelli et une foule immense, il est obligé d’ôter une bague qu’il avait à la main droite afin de tranquilliser le peuple, qui croyait qu’une exécution aussi merveilleuse était l’effet d’un sortilège. C’est à son retour de Naples que Wolfgang fit représenter à Milan, dans le mois de décembre 1770, son premier opéra, Mitridate re di Ponte qui eut un succès d’enthousiasme. L’auteur avait alors quatorze ans. Après ce triomphe, les artistes voyageurs reprennent le chemin de la patrie. Ils retournent en Italie l’année suivante, où Mozart fait représenter, toujours à Milan, une sorte de grande scène dramatique, Ascanio in Alba, dont le succès arracha au vieux compositeur Haase ces mots prophétiques : Cet enfant-là nous éclipsera tous. Revenu