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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/888

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à Salzbourg pour composer une sérénade dramatique, il Sogno di Scipione, à l’occasion du couronnement du nouvel archevêque, Mozart retourne à Milan dans le mois d’octobre 1772, où il fait représenter un opera seria, Lucio Silla, qui fut accueilli, avec la même faveur que les précédens. Avant de quitter pour la dernière fois l’Italie, Léopold Mozart et son fils allèrent passer le carnaval de l’année 1773 à Venise. Ils furent reçus et fêtés par les plus grands seigneurs de la république. Il y avait alors, dans cette ville de folies et d’enchantemens, un jeune homme de vingt-deux ans, beau, spirituel, intrépide, qui était l’amant recherché des gentildonne les plus garbate aussi bien que des cittadine les plus éveillées. Ce jeune homme, qui a peut-être coudoyé Mozart sur la place Saint-Marc où soupé avec lui dans quelque casino somptueux, c’était Lorenzo da Ponte, l’ami littéraire de Charles Gozzi, l’auteur futur du libretto de Don Juan.

De retour en Allemagne, Mozart fit encore un petit voyage à Vienne, un autre à Munich, où il composa un opera buffa, la Finta Giardiniera, qui fut représenté avec un succès éclatant dans le mois de janvier 1775. Il revint à Salzbourg dans le printemps de la même année, avec une réputation qui égalait déjà celle des meilleurs compositeurs. Il passa trois années consécutives à Salzbourg, entièrement occupé à fortifier son génie par des études profondes et diverses, à condenser dans son cœur les mélodies vagues et charmantes qui l’agitaient. Nous passons sous silence les mille tribulations qu’il eut à subir de la part du nouvel archevêque de Salzbourg, homme grossier, avare et débauché, qui, non content de méconnaître l’artiste extraordinaire qu’il avait l’honneur de posséder à sa cour, se plaisait à l’humilier en le refoulant dans les rangs de la domesticité. Mozart, en qui le sentiment intime de sa valeur n’a jamais failli, et qui n’avait pas besoin de la consécration de la célébrité pour se faire respecter des grands, se démit du poste infime qu’il occupait dans la chapelle de l’archevêque. Il se consolait de ces misères de la vie en s’essayant dans tous les genres, en composant des messes, des symphonies, des sonates, des cantates, parmi lesquelles nous citerons seulement il Re pastore, où l’on reconnaît déjà toutes les graces de son style enchanteur. Après trois années d’études fécondes, Mozart, arrivé à l’âge de vingt et un ans, dans la fleur de la jeunesse et dans la plénitude de ses espérances, entreprend un second et grand voyage en France. Accompagné cette fois seulement de sa mère, il quitte Salzbourg le 23 septembre 1777. Il traverse Munich, s’arrête pendant quelque temps à Manheim, ville charmante et toute musicale, où son cœur reçoit les premières atteintes d’un sentiment qui fera la force de son génie, et il arrive à Paris dans le mois de mars 1778.

On était alors au milieu de la grande querelle des gluckistes et des piccinistes, discussion confuse et bruyante entretenue par des écrivains