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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/892

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voulut contraindre Mozart à manger à l’office avec les bas domestiques de sa maison, le grand artiste rompit le joug et quitta pour toujours le service de l’archevêque.

Libre enfin de ses actions, ne relevant plus que de son talent et sa conscience, Mozart va entrer ici dans une période orageuse et féconde, vaste et douloureuse carrière où la misère, le travail, la jalousie de ses nombreux rivaux, les angoisses de la création et de l’amour, élèveront son génie à une hauteur inaccessible. À la demande de l’empereur Joseph II, il compose l’Enlèvement au sérail, charmant ouvrage qu’on peut considérer comme le premier opéra en langue allemande que doive mentionner l’histoire. Représenté le 12 juillet 1782, l’Enlèvement au sérail eut un succès populaire qui se répandit dans toute l’Allemagne, et qui valut à Mozart les éloges précieux de Gluck. L’empereur Joseph, qui goûtait beaucoup la personne et le talent de Mozart, lui dit un jour, à propos de cet opéra qu’il avait entendu critiquer par la jalousie des compositeurs italiens qui étaient à sa cour : Très bien ! mon cher Mozart, mais un peu trop de notes. — Pas plus qu’il n’en faut, sire, lui répondit fièrement l’artiste.

Un mois après ce nouveau triomphe, le 4 août 1782, Mozart épousa Constance Weber, la sœur de cette Aloyse de Weber, pour qui son cœur avait ressenti les premières émotions de l’amour. Il fut obligé d’enlever sa fiancée de la maison maternelle et de l’épouser clandestinement chez une baronne de Waldstetten, dans la maison de laquelle eut lieu la noce. L’auteur de Don Juan pouvait-il se marier autrement ? À la fin du mois de juillet 1783, Mozart conduisit sa femme à Salzbourg. Au moment de monter en voiture, il fut arrêté par un créancier, qui exigea impérieusement la somme de 30 florins qu’il lui devait. De retour à Vienne, après quelques semaines d’absence qui n’avaient point été perdues pour l’art musical, puisqu’il avait produit Davide penitente, oratorio qui renferme des beautés de premier ordre, Mozart est forcé pour vivre, et pour vivre misérablement, de dépenser l’immense activité qui le dévore à donner des concerts, à composer toute sorte de musique et jusqu’à des contredanses et des valses pour des bals publics. C’est pendant ces trois années qu’il écrit ses plus belles œuvres de musique instrumentale, entre autres, les six quatuors qu’il a dédiés à Joseph Haydn, précédés d’une épître remplie d’admiration et de respect filial pour le père de la symphonie. En 1786, Mozart aborde de nouveau le théâtre avec l’opéra italien le Nozze di Figaro, qui fait époque aussi bien dans sa vie que dans l’histoire de la musique dramatique. En effet, rien de ce qui existait alors ne pouvait être comparé à cette partition colossale pour la grandeur et le développement des morceaux d’ensemble, pour le charme et la nouveauté des mélodies, pour la richesse et la variété des accompagnemens.