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avec vigueur. Il s’y prononce ouvertement pour la forme monarchique, et caractérise énergiquement le vice populaire :

Toi, qui des grands états observant la police,
Veux sur leurs vrais appuis en asseoir, l’édifice,
Rehausse la couronne, et sache que la loi
Ne peut de trop de pompe environner un roi.
La majesté des rois rend le peuple docile.

Mais dans un frêle état, où, d’intrigues suivie,
La multitude hait les puces qu’elle envie,
Le rang des magistrats est sans cesse insulté,
Et bientôt dans leurs mains périt l’autorité.

Ce poème, si fait pour assurer à l’auteur au moins une très haute estime, fut jugé assez diversement à l’instant où il parut. Des trois ou quatre amis dont le suffrage avait du poids, Joubert paraît avoir été le plus favorable. « Ce qui caractérise surtout votre talent, me disait Joubert, c’est l’haleine. Il est impossible de voir dans votre poème les points de repos, les instans où vous vous êtes arrêté et où vous avez repris l’ouvrage. Tout le poème paraît fondu d’un seul jet. » — Il n’y a pas de pause en effet, et c’est même une raison de fatigue pour le lecteur. Joubert lui disait encore : « Il y a dans votre ouvrage une circulation qui anime tout. On voit la vie et le sang partout. Il y a de l’harmonie de pensée et de l’harmonie pour l’oreille. »

Quant à Fontanes, en homme du métier, il entrait davantage dans le détail. Il goûtait peu le champ de l’astronomie, l’ayant lui-même conçu autrement ; mais, à propos des vers de la mémoire au chant III, il disait : « Ce sont des vers excellens, tout cela est neuf, tout cela est à vous ; on ne fait pas mieux. » De tout le chant de l’homme il disait encore : « C’est bien enlacé ; il y a là de la force et de la puissance, mais c’est un peu raide et un peu sévère. On entend quelquefois le bruit des anneaux de fer. On pourrait vous assouplir et vous détendre, mais on vous ôterait de votre force. » Enfin veut-on savoir comment il s’exprimait dans l’absence du poète : « Voilà le secret de Fontanes sur mon talent ; il disait à Joubert : Chênedollé a toutes les parties extérieures du poète, l’oreille, l’harmonie, l’art, et quelques-unes des intérieures ; mais il ne se défie pas assez de sa mémoire. Il prend des idées, et quelquefois des expressions. Cependant il serait capable d’avoir de très belles choses par lui-même s’il voulait s’évertuer davantage, descendre en lui, et faire passer ses idées au travers de sa propre nature. Il est d’ailleurs d’une docilité admirable à la critique, trop docile même, et d’un honneur littéraire imperturbable. » Et revenait toujours la comparaison avec Esménard, le grand descriptif du moment : « Esménard lui est-il supérieur ? » Fontanes ne tranchait pas la question sans balancer ;